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RÉFLEXIONS

244. Moins on est puissant dans le monde, plus on peut commettre de fautes impunément, ou avoir inutilement un vrai mérite.

245. Lorsque la fortune veut humilier les sages, elle les surprend dans ces petites occasions où l’on est ordinairement sans précaution et sans défense. Le plus habile homme du monde ne peut empêcher que de légères fautes n’entraînent quelquefois d’horribles malheurs ; et il perd sa réputation ou sa fortune par une petite imprudence, comme un autre se casse la jambe en se promenant dans sa chambre[1].

246. Soit vivacité, soit hauteur, soit avarice, il n’y a point d’homme qui ne porte dans son caractère une occasion continuelle de faire des fautes ; et si elles sont sans conséquence, c’est à la fortune qu’il le doit[2].

247. Nous sommes consternés de nos rechutes, et de voir que nos malheurs même n’ont pu nous corriger de nos défauts[3].

248. La nécessité modère plus de peines que la raison.

249. La nécessité empoisonne les maux qu’elle ne peut guérir[4].

250. Les favoris de la fortune ou de la gloire, malheureux à nos yeux, ne nous détournent point de l’ambition.

251. La patience est l’art d’espérer.

252. Le désespoir comble non-seulement notre misère, mais notre faiblesse.

  1. [Bien. — V.]
  2. [Faible. — V.]
  3. [Faible. — V.]
  4. Var. : « La nécessité comble les maux qu’elle ne peut soulager. » — Pour bien comprendre cette pensée, il faut relire celle qui précède ; l’une explique l’autre, et en voici, je crois, le sens : La raison est souvent impuissante contre le sentiment des peines : l’idée que ces peines sont nécessaires peut seule les soulager ; mais quand elle ne les soulage pas, elle les rend encore plus cuisantes. — G.