Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
395
ET MAXIMES.

partient à l’homme, et l’homme à l’air ; et rien n’est à soi ni à part[1].

202. Ô soleil ! ô pompe des cieux ! qu’êtes-vous ? Nous avons surpris le secret et l’ordre de vos mouvements. Dans la main de l’Être des êtres[2], instruments aveugles et ressorts peut-être insensibles, le monde, sur qui vous régnez, mériterait-il nos hommages ? Les révolutions des empires, la diverse face des temps, les nations qui ont dominé, et les hommes qui ont fait la destinée de ces nations mêmes, les principales opinions et les coutumes qui ont partagé la créance des peuples dans la religion, les arts, la morale et les sciences, tout cela, que peut-il paraître ? Un atôme presque invisible[3], qu’on appelle l’homme, qui rampe sur la face de la terre, et qui ne dure qu’un jour, embrasse en quelque sorte d’un coup d’œil le spectacle de l’univers dans tous les âges[4].

203. Quand on a beaucoup de lumières, on admire peu ; lorsque l’on en manque, de même. L’admiration marque le terme de nos connaissances, et prouve moins, souvent,

  1. Cette Maxime paraît obscure. Il semble que Vauvennrgues a voulu prouver l’existence de Dieu par la dépendance mutuelle des différentes parties de l’univers, dont aucune ne peut s’isoler des autres, ni subsister par elle-même. On n’entend pas ce que veut dire l’air appartient à l’homme, el l’homme à l’air. L’homme ne peut se passer d’air ; mais l’air existerait fort bien sans l’homme. Appartient veut-il dire participe de la nature, etc. ? Alors l’idée d’appartenir n’a plus de liaison sensible avec l’idée de dépendance exprimée dans la première phrase. Il y a, je crois, abus de mots. — S. — Voltaire trouve cette pensée fort belle, et l’on a peine à comprendre que Suard la trouve obscure. Vauvenargues n’a nullement songé à prouver l’existence de Dieu ; il a voulu exprimer cette idée, sur laquelle il revient souvent, qu’il n’y a d’indépendance absolue ni pour les personnes, ni pour les choses, et que, toutes étant mutuellement dépendantes, chacune a son maître. Sans doute, l’air existerait fort bien sans l’homme, si Dieu l’avait voulu ; mais, comme il est permis de supposer que l’air a été fait pour l’homme, on peut dire que l’air appartient à l’homme, aussi bien que l’homme appartient à l’air, sans lequel il ne pourrait vivre. Il n’y a pas là le moindre abus de mots. — G.
  2. Var. : « Dans la main d’un roi invisible, esclaves soumis,  » et ressorts, etc.
  3. Var. « Un homme, du creux d’un rocher, et comme un atôme presque invisible,  » embrasse, etc.
  4. Ici, Vauvenargues se rencontre avec Pascal, pour établir la supériorité de l’homme sur la nature. — (Voir Pasral, — 1re partie, art. IV, pensée 6.) — G.