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RÉFLEXIONS

175. Nous ne savons pas beaucoup de gré à nos amis d’estimer nos bonnes qualités, s’ils osent seulement s’apercevoir de nos défauts[1].

176. On peut aimer de tout son cœur ceux en qui on reconnaît de grands défauts. Il y aurait de l’impertinence à croire que la perfection a seule le droit de nous plaire ; nos faiblesses nous attachent quelquefois les uns aux autres autant que [le] pourrait faire la vertu[2].

177. Les princes font beaucoup d’ingrats, parce qu’ils ne donnent pas tout ce qu’ils peuvent.

178. La haine est plus vive que l’amitié, moins que l’amour.

179. Si nos amis nous rendent des services, nous pensons qu’à titre d’amis, ils nous les doivent, et nous ne pensons point du tout qu’ils ne nous doivent pas leur amitié.

180. On n’est pas né pour la gloire, lorsqu’on ne connaît pas le prix du temps[3].

181. L’activité fait plus de fortunes que la prudence[4].

182. Celui qui serait né pour obéir, obéirait jusque sur le trône[5].

183. Il ne paraît pas que la nature ait fait les hommes pour l’indépendance[6].

184. Pour se soustraire à la force, on a été obligé de se soumettre à la justice : la justice ou la force, il a fallu opter

  1. [Bien. V.] — Add. : « Nous voudrions sottement des hommes qui fussent clairvoyants sur nos vertus, et aveugles sur nos faiblesses. »
  2. Var. : « On peut penser beaucoup de mal d’un homme, et être tout-à-fait de ses amis, car on sait bien que les plus honnêtes gens ont leurs défauts, quoiqu’on suppose tout haut le contraire, et nous ne sommes pas si délicats, que nous ne puissions aimer que la perfection. On peut aussi beaucoup médire de l’espèce humaine, sans être, en aucune manière, misanthrope, parce qu’il y a des vices que l’on aime, même dans autrui. »
  3. [Bien. — V.]
  4. [Bien. — V.]
  5. [Bien. — V.]
  6. [Bien. — V.]