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356 ESSAI si fin, si facile, si net, et d'une si grande surface; mais nul n’est parfait; et je crois que les plus sublimes esprits ont eux-memes des endroits faibles. Ce sage et subtil philoso- ‘ phe ·n’a jamais compris que la vérité nue pût intéresser; la simplicité, la véhémence, le sublime ne le touchent point. b Il me semble, dit-il, qu'il ne faudrait donner dans le sublime qu’à son corps défendant ; il est si peu naturel! Isocrate veut qu’on traite toutes les choses du monde en badinant; au- cune ne mérite, selon lui, un autre ton. Si on lui représente que les hommes aiment sérieusement jusqu'aux bagatelles, et ne badinent que des choses qui les touchent peu, il n’en- tend pas cela, dit-il; pour lui il n'estime que le naturel; cependant son badinage ne l’est pas toujours, et ses ré- flexions sont plus fines que solides. lsocrate est le plus in- génieux de tous les hommes, et compte pour peu tout le reste. C'est un homme qui ne veut ni persuader, ni corri- ger, ni instruire personne; le vrai et le faux, le frivole et le grand, tout ce qui lui est occasion de dire quelque chose d’agréable, lui est aussi propre. Si César vertueux peut lui fournir un trait, il peindra César vertueux ; sinon, il fera voir que toute sa fortune n‘a été qu' un coup du hasard, et Bm- tus sera tour a tour un héros ou un scélérat, selon qu’il sera plus utile à. Isocrate. Cet auteur n‘a jamais écrit que dans une seule pensée; il est parvenu à son but : les hom- mes ont enfin tiré de ses ouvrages ce plaisir solide de savoir qu'il a de l’esprit. Quel moyen après cela de condamner un genre d'écrire si intéressant et si utile ?' · On ne finirait point sur lsocrate et sur ses pareils, si on voulait tout dire. Ces esprits si fins ont paru après les grands hommes du siècle passé '. Il ne leur était pas facile de donner a la vérité la méme autorité et la méme force que l’éloquence lui avait prètées; et, pour se faire remarquer

  • Add. : ¤ Chaque siècle s son caractère : le génie du notre est peubetre un .

¤ esprit trop philosophique, cute sur un goût trop frivole, et dans un terrain ~ trés-léger. Ce génie nous rend susceptibles de toutes sortes dïmprœsionsz ~ mais le pyrrhonisme nous plslt, puce qu'l1 nous met i notre aise, et il « est aujourdhui une de nos modem ~