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348 ESSAI ` ` lib. —- [LA sooaosoxsis.] [ll faut vivre avec tous les hommes dont on a besoin, mais c'est·une erreur de chercher de la raison dans un état plutot que dans un autre. La fatuité est chez les nobles, la grossièreté dans le peuple, et la bourgeoisie emprunte des deux. Quoi que j'aie pu dire ailleurs des gens du monde, je suis fort éloigné de leur préférer le tiers-état; j’aime mieux- une impudence naïve et une légèreté sans bornes, , qu’une maladroite et, impertinente imitation de ces deux vices. Si j'entre dans une maison bourgeoise, j'y trouve une vanité plus grossière, un ridicule plus affecté, une igno- rance plus profonde, et une conversation plus ennuyeuse; les femmes y sont ou précieuses, ou sottes, ou caillettes, ' ou folles; les hommes y sont impolis, grands parleurs, pe- sants, et copistes. S' il hante quelque homme de lettres dans une telle maison, on peut s’assurer que c’est uu pédant travesti en petit-maitre ; mais si les véritables gens de lettres n`y sont pas.reçus, ou plutot, s'ils dédaignent de s'y pré- senter, vous verrez avec quel mépris on parle d’eux. Quel- qu'un conte qu'un bel-esprit a été mené à. Vincennes; aussitot, plusieurs femmes disent à la fois que c’est à Bi- cétre. On parle d'un poète qui honore son siécle, qui, d'ailleurs, est un homme riche, et qui ne vit point avec la bourgeoisie'; le fils d'un notaire royal dit froidement que c’est un homme qu'il faudrait chasser de Paris, et faire sortir d'une bonne maison par les fenetres. Là, revivent le vicomte de Jodelet, le marquis de Mascarille, et la comtesse d'Escarbagnas‘; le fort de la conversation chez ces bour- geois, c’est de louer des sottises, de répéter de fausses nou- velles, de citer des hommes en place, et surtout de parler des gens de qualité et d'énumérer leurs titres. On fait adroitement entrer dans le discours le nom de tous les grands seigneurs que l'on connait de vue, et les femmes n’ont • Il s'agit de Voltaire; l’allusion ent évidente. - G.

  • Personnages de- Molière. — G.