« l’intérieur, et dominer jusque dans les actions et les pen-
« sées les plus secrètes? Y a—t-il, enfin , quelque humanité
~ à prosterner la nature humaine sous un joug si rude'? »
Tels sont les discours les plus modérés de Clodius; mais
s’il se forme un parti dans la république qui ne tend rien
moins qu'a sa ruine', il excite les conjurés à Yavancer, et
tâche d’étouffer leurs scrupules ou leurs remords. ll leur
dit qu’il faut que·tout change, que rien n'est stable, que le
mouvement est unefatalité invincible; que les opinions, et
les mœurs qui dépendent des opinions, les hommes en
place, et les lois qui dépendent des hommes en place, les
homes des États et leur puissance, Yintérèt des États voi-
sins, tout varie nécessairement: « Or, ajoute·t—il,‘ il est
« impossible qu'un État où tout varie, et qui voit tout va-
« rier autour de lui, ne change pas à son tour de gouver-
«· nement; et, de tous ces changements inévitables, il n’y
« en a aucun qui ne se fasse par la force; car la séduction
« et l'artifice ne méritent pas moins ce nom que la violence
« déclarée et manifeste. Mes amis, continue-t—il, que tar-
·· dez-vous? que craignez-vous? Allez , l’éloquent l'em-
« porte sur le discoureur, le courageux sur le faible, et
« celui qui sait oser de grandes choses sur celui qui n’a ni la
« hardiesse de les concevoir, ni la force de les exécuter.
« Nappréhendez pas d'ailleurs que le peuple vous manque:
« je sais, comme vous, que la coutume est tout, que tout
· peuple se fait a sa condition et supporte patiemment les
« choses qu'il trouve établies, comme nos esclaves, nés
« dans l’opprobre, portent leurs fers sans murmure; mais,
w si vous ahattez la tyrannie, doutez-vous que ce peuple;
« qui baise a présent sa chaine, ne s’accoutume bientôt de
· même à la liberté? Ce peuple est avili; mais, mes amis,
« c’est le gouvernement qui forme le caractère des na-
« tions; c’est le gouvemement _qni a fait autrefois, à Car-
' Presque toutes ces idées se retrouvent, au moins en substance, dans les
llnximu de Vauvenargues. — G.
¤ ll faudrait: ·· Qui ne tende d rien moins. — G.
Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/399
Cette page n’a pas encore été corrigée
345
SUR QUELQUES CARACTÈRES.