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342 ESSAI I cet étranger dans une grande incertitude de ses sentiments, qui n’étaient pas méme connus de ses plus intimes amis'; car la médiocrité de sa fortune l’ayant obligé de cacher_l’éten - due de son ambition et la violence de ses désirs, son sérieux ardent et austère passait pour sagesse, son inquiétude pour curiosité, et sa rêverie opiniâtre pour indifférence, tant les hommes sont peu capables de se concevoir les uns les au- tres’l '1`els étaient l’esprit et les sentiments de Cléon. On raconte qu’étant attaqué dans la force de son age d’une maladie de langueur, et sentant la mort approcher, il se repentit de n'avoir pointassez aimé la vertu, qui l'aurait con- solé de ses disgràces, et l'aurait rendu supérieur à sa for- tune; il avoua que l’ambition avait fait de lui, non-seulement le plus malheureux, mais le plus insensé de tous les hom- mes; qu'il ne regrettait point l'autorité et les richesses que l'aveugle fortune dispense au hasard, qui coûtent des soins, des soucis et des remords; mais qu'il regrettait la bonté, la sincérité , la sagesse, qu'il pouvait cultiver sans peine dans la pauvreté, et qui l’auraient suivi jusqu'au tombeau. B2. — cwnius, ou LB Séditieua:. Clodius assemble chez lui une troupe de libertins et de jeunes gens accablés de dettes. Le sénat a fait une loi pour ~ réprimer le luxe de ces jeunes gens 'et l'énormité des em- prunts. Clodius leur dit :' « Mes amis, le sénat étend chaque « jour sa tyrannie; pendant qu'on vous impose un gouver- « nement si dur et si austère, vous tlatœriez-vous d’étre « libres? Marius a rempli Rome de carnage; mais, au moins, u la liberté régnait dans son parti; Sylla réprima la licence « du bas peuple; mais il mit les emplois dans les mains les « plus dignes, et. il affranchit ses amis du joug des lois. • Var. : « Sea amis nepénetraisnt point le profond secret de son cœur. • ' Dana une autre version de ce Caractère, Vauvenargues ajoute ld, au pov trait de Cléon, toutes les qualitù d‘eaprit qu'il a mises ensuite sous le nom d'Éqéc (voir plus loin); or, ai dans la pensée première de Vauvenargues, hec et Cléon n'etaient qu'un seul et méme personnage, et sl, comme on n'en_psut douter d'ailleun, Egée n'est autre que Vauvenargues lul·meme, la conclusion est facile I tirer. — G.