et tous les vices, de ne pouvoir suivre ni ses passions, ni-sa
raison, ni sa commodité, ni ses devoirs, ni la vérité, ni
l'erreur, mais de céder au caprice des événements, et de se .
partager toute savie entre les sentiments les plus contrai-
res; car l'ord1·e sévère des Dieux ne lui a dispensé que des
vertus aussi stériles et aussi impuissantes que ses vices. .
Les hommes de ce caractère n'obéissent jamais, dans le
peu d’actions qu'ils produisent, qu'al`habitude, à l'exemple,
aux préjugés, et a la crainte des jugements du monde; ils
n’osent pasle mal, et ils ne font pas le bien; toute leur
étude est de cacher aux autres et à eux-memes la faiblesse
et la timidité de leur génie. Ce n’est pas que leur naturel
n’agisse sourdement sur leur conduite; mais ce faible ins-
tinct, qu‘ils n'osent avouer, se renferme dans d’étroites li-
mites qu’il ne franchit point. On juge et on mesure ces
hommes·la d’un regard, et ils foumissent aussi peu à la
satire qu’au panégyrique.]
30I —— [rhiouun mcounoosur.]
[Tel homme parait avoir réellement plus d’un caractère.
Une puissante imagination fait prendre à son ame la forme
de tous les objets qui l’all`ectent; il étonne tout a coup le
monde par des actions de générosité et de courage qu’on
n'attendait pas de lui; l’image de la vertu échauife, élève.
attendrit, maitrise son cœur; il reçoit l’empreinte des plus
grands exemples, el il les surpasse. Mais, quand son imagi-
nation s'est refroidie, son courage -baisse, sa générosité
tombe; les vices opposés à ces vertus se saisissent de son
esprit et de son âme, et, après l'avoir un moment dominé,
ils cèdent a d'autres objets. Les démarches des gens de ce _
caractère n‘ont aucune correspondance les unes avec les
autres; elles ne se ressemblent pas plus que leurs pensées,
qui varient sans cesse; elles tiennent, en quelque manière,
de l'inspiration. lmprudent qui sefie a leurs paroles et à- leur
amitié ; ils ne sont pas trompeurs, mais ils sont inconstantîs.
On ne peut dire qu'ils aient l'ame grande, ou forte, ou faible,
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SUR QUELQUES CARACTÈRES.