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298 ESSAI tantot, dégoûté du mystère, il fréquente les courtisanes les plus dissolues, et les lieux les plus infâmes; quelquefois, il fait des retraites à la campagne, pour se délasser avec les femmes du peuple de l’al`fectation des femmes de la ville. Sa lâche industrie tend partout des pièges à l'innooence; rien ne met à couvert de ses poursuites, ses désirs insolente ne respectent rien; il perce les cloltres et les grilles, il se déguise; il cherche curieusement des aventures de toute espèce, et les plaisirs ordinaires ne lui suffisent plus. On le voit quelquefois au bal, masqué en femme, et ceux qui veulent s'y tromper, y sont trompés. Tous les sales usages qu'on peutfaire de 1'argent et de lajeunesse, Othon se vante publiquement de les connaitre. Tour à tour avare et prodi- gue, tour à. tour vendant au plaisir son honneur ou son in— tèret; réparant sans pudeur, par de viles adresses, la folie de ses profusions , et toujours aussi dépravé dans ses res- sources que dans ses largesses, il déclare que l'inté1·et et le plaisir sont les dieux de la terre, que l'ho¤neur est la chi- mère des fous, et que la gueuserie est Yhéritage des philo- ' sophes; ses principes favoris sont que la vertu n'est autre chose que l’habileté, et que l'habileté consiste à savoir vivre; que celui qui ne sait pas vivre est seul vicieux; qu'il ne faut etre ni trop honnete homme, ni trop scélérat, ni trop A sincère, ni trop fourbe; qn’on ne gagne point les hommes sans les tromper, et qu’on ne les trompe point sans trom- perie, mais qu'en la poussant trop loin, on peut tout perdre, , et qu'il faut meler avec adresse l’artifice et la bonne foi, le mensonge et la vérité; qu'il y a peu de sciences certaines; que celui-la est le plus philosophe qui est le plus persuasif; que l'homme du monde le plus digne d’envie, est celui qui a le plus d’empire sur l’esprit d’autrui; que la hardiesse vaut mieux que la ruse, et la présomption que la timidité; que tous les biens possibles se renferment dans le plaisir, et qu'il n'y a rien d’utile, de beau, d'estimable par rapport aux hommes, que ce qui leur plaît; que l'homme le plus heureux et le plus libre est celui qui a le moins de préjugés