Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/348

Cette page n’a pas encore été corrigée

294 ESSAI · V son courage et par son tempérament inaltérable dans les fatigues; trop léger cependant, trop ami du faste; engagé par ses espérances à une folle et ruineuse profusion; acca- blé de dettes contre l’honneur; peu sur au jeu, mais sachant soutenir avec impudence un nom équivoque; sachant aussi sacrifier les petits intérêts, et la réputation méme, à la for- · tune; incapable de concevoir qu’on pût parvenir par la vertu; privé de sentiment pour le mérite; esclave des A grands, né·pour les servir dans le vice, pour les suivre à la chasse et à la guerre, et vieillir, parmi les opprobres, dans une fortune médiocre. 5. — Letvrntus , ou Le Faclicux. Lentulus se tient renfermé dans lc fond d'un vaste édi- fice qu’il a fait bâtir, et ou son âme austère s’occupe en secret de projets ambitieux et téméraires. Là, il travaille, le jour et la nuit, pour tendre des piéges à ses ennemis, pour éblouir le peuple par des écrits, et amuser les grands par des promesses. Sa maison quelquefois est pleine de gens in- connus qui attendent pour lui parler,~qui vont, qui vien- nent; quelques-uns n'y entrent que la nuit et travestis, et on les voit sortir devant l'aurore. Lentulus fait des associa- tions avec des grands qui le haïssent, pour se soutenir contre ' d'autres grands dont il est craint. ll tient aux plus puis- . sants par ses alliances, par ses charges et par ses menées. Quoiqu’il soit né fier, impérieux, et inaccessible aux hom- mes inutiles, il ne néglige pourtant pas le peuple; il lui donne des fêtes et des spectacles; et, lorsqu’il se montre dans les rues, il fait jeter de l’argent autour de sa litière, et ses émissaires, postés en differents endroits sur son passage, excitent la canaille à l’applaudir. lls l'excusent de ne pas se montrer plus souvent, sur ce qu’il est trop occupé des be- soins de la république, et qu‘un travail sévère et sans · relâche ne lui laisse aucun jour de libre. ll est en effet sur- chargé par la diversité et la multitude des affaires qui l’ap- pliquent, et ces occupations laborieuses le suivent partout,