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ÉLOGE.


d’attendre ; il envoie sa démission à M. de Biron, et il écrit sa seconde lettre à M. Amelot, morceau admirable, où la fierté du gentilhomme perce sous la dignité contenue de son accent. À ce moment, sans doute, il écrivait cette maxime inédite et transparente : « Si un homme est né avec l’âme haute et courageuse, s’il est laborieux, altier, ambitieux, sans bassesse, d’un esprit profond et caché, j’ose dire qu’il ne lui manque rien pour être négligé des grands et des gens en place, qui craignent encore plus que les autres hommes ceux qu’ils ne pourraient dominer. » Le ministre ne lut pas la maxime, mais il lut la lettre ; il sentit le coup, et lorsque, à cette hauteur d’un homme qui aime mieux se démettre de son grade que de risquer d’y être inutile, il put reconnaître qu’il y avait, en effet, dans ce jeune officier, plus qu’un solliciteur ordinaire ; lorsque surtout Vol— taire intervint avec cette vivacité passionnée qu’il apportait à ses amitiés comme à ses haines, lorsqu’il fit voir au ministre quel homme il venait de rebuter, lui disant : « Vous savez votre Démosthenes par cœur, il faut que vous sachiez votre Vauvenargues,  » Amelot, qui n’était pas seulement habile ministre, mais homme de goût, promit cette fois, et promit sincèrement. Vauvenargues reprend courage, et, en attendant une vacance, va s’enfermer dans son château solitaire, pour se préparer à son nouveau rôle. Il n’avait pour cela qu’à suivre des travaux déjà commencés, car il avait étudié non-seulement l’histoire, mais le droit public. Il est à supposer même que la carrière des négociations n’était pour lui qu’un acheminement aux affaires intérieures ; il voulait être homme d’État ; outre quelques confidences éparses dans ses œuvres, on y rencontre un filon d’idées sur les lois, sur la politique, sur les partis, qui trahit son arrière-pensée ; et, pour s’encourager dans cette autre ambition secrète, il se disait à lui-même avec complaisance, que « les grandes places instruisent promptement les grands esprits,… et que les plus grands ministres ont été ceux que la fortune avait le plus éloignés du ministère. » (Maximes et Réflexions sur divers sujets.)

Mais il était dans sa destinée d’ouvrir toujours les ailes, et de