256 RÉFLEXIONS CRITIQUES le génie de notre langue, et, entin, par cette harmonie continue, sans laquelle il n'y a point de véritable poésie. On leur a reproché, à. la vérité, d'avoir manqué de délica- tesse et dexprœsion pour le sentiment. Ce dernier défaut me parait- peu considérable dans Boileau; parce que, sé tant attaché uniquement a peindre la raison, il lui suffisait de la peindre avec vivacité et avec feu. comme il l'a fait; mais Yexpression des passions ne lui était pas absolument nécessaire. Son Art poétique, et quelques autres de sœ ou- vrages, approchent dela perfection qui leur est propre, et on n'y regrette point la langue du sentiment, quoiqu'elle puisse entrer peut-etre dans tous les genres, et les embellir de ses charmes. · ll n'est pas tout à fait aussi facile de justifier Rousseauà cet égard. L’ode étant, comme il le dit lui-meme, le véritable: champ du pathétique et du sublime, on voudrait toujour; trouver dans les siennes ce haut caractère; mais, quoiqu' ell »:; soient dessinées avec une grande noblesse, je ne sais si elleî sont toutes assez passionnées. Texcepte quelques-unes deî odes sacrées, dont .le fond appartient à de plus grand S maltzres; quant à. celles qu’il a tirées de son propre fonds , il me s•mhle,.quTen général, les fortes images qui les embel · lissent ne produisent pas de grands mouvements, et n‘ex<:î - tent ni la pitié, ni l'étonnement, ni la crainte, ni œ sombre saisissement que le vrai sublime fait naitre'. La marche impétueuse et inégale de l’ode n'est pas celle d'un esprit tranquille ;` il faut donc qu'elle soit justifiée par A un enthousiasme véritable. Lorsqu'un auteur se jette de ; I sang-froid dans ces mouvements et ces écarts, qui n'¤p- • j partiennent qu’aux passions fortes et réelles, il oourt grwd È risque de marcher seul; car·le lecteur se lasse deces tran- 5 sitions forcées-, et de ces fréquentes. hardiesses, que l't¤ « : s'elforce d’imiter du sentiment, et qu’il imite toujours sam ‘ Var. : [« Ses images, si véliémeutes et si multipliées qu'elles soient. W ¤ « tirent jamais l'esprit de son assiette; ce sont de très-belles estampë ll" ‘ I « sublime, où l'art ut grand, mais oula vie manque. ·] ¤
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