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250 ' RÉÉLEXIONS CIIITIQUES l former le goût de son siècle sur son caractère'; Racine la paru après lui et u partagé les esprits; s’il eût été possible de changer cet ordre, peut-étre qu’on aurait juge de l’un et de l'autre fort différemment. ——— Oui, dit-on; mais Cor- neille est venu le premier, et il a créé le théâtre. — Je ne puis souscrire à cela. Corneille avait de grands modeles parmi les anciens; Racine ne ·l'a point suivi'; personne n’a pris une route, je ne dis pas plus différente, mais plus opposée; personne n’est plus original `à meilleur titre. Si ' Corneille a droit de prétendre a la gloire des inventeurs, on ne peut l’oter a Racine; mais si l'un et l'autre ont eu des maitres, lequel a choisi les meilleurs, et les a mieux imitésï . I On reproche à Racine de n’avoir pas donné a ses héros le caractère de leur siècle et de leur nation: mais les grands hommes sont de tous les âges et de tous les pays. On ren- draitle vicomte de Turenne et le cardinal de Richelieu mé- connaissables, en —leur donnant le caractère de leur siècle; les âmes véritablement grandes ne sont telles que parce qu'elles se trouvent, en quelque manière, supérieures a l’é- ducationet aux coutumes '. Je sais qu'elles retiennent tou- jours quelque chose de l’un et de l'autre; mais le poète ` peut négliger ces bagatelles, qui ne touchent pas plus au fond du caractère que la coill`ure et l’habit du comédien, pour ne s'attacher qu'à peindre vivement le traits d’une nature forte et éclairée, et ce génie élevé qui appartient . également à tous les peuples L Je ne vois point d’ailleurs que' Racine ait manqué a ces prétendues bienséances du théâtre : ne parlons pas des tragédies faibles de ce grand • Le rapport de ce pronom cst douteux; il porto sur Corneille, et non pas sur siecle. — G. ¤ [Il l’a suivi d'abord;·-V.]—Voltaire veut parler de la Thébalde et d'Als.·mndre, où, en effet, l'lmitatlon de Corneille est évidente. A partir d'An· dromaque, Racine a trouvé sa voie, et donne raison A Vauvenargues. - G.

  • La t" édition ajoutait ici : « Elles empruntent peu d'autrnl , et, si elles

• tiennent, par quelques endroits, aux préjugés de leur pays, on peut du moins • les prendra dans un jour ou alla n’c||’rent que les traits de la nature, leur « mère commune. · · • Cette phrase est de la 2* édition. —G.