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248 _ ItEFLEXION$ CRITIQUES Cependant, lorsqu’on fait le parallèle de ces deux poètes, il semble qu’0n ne convienne de Part de Racine, que pour donner à. Corneille l’avantage du génie. Qu’0n emploie cette distinction pour marquer le caractère d’un faiseur de phrases, je la trouverai raisonnable; mais 1orsqu’0·n parle de‘l’art de Racine, l'art qui·met toutes les choses a leur place; qui caractérise les hommes, leurs passions, leurs mœurs, leur génie; qui chasse les obscurités, les super- . tluités, les faux brillants; qui peint la nature avec· feu, avec sublimité et avec gràce'; que peut-on penser d’un tel art, si ce n'est qu'il est le génie des hommes extraordinaires, et l’origina1 méme de ces regles que les écrivains sans génie embrassent avec tant de zèle, et avec si peu de succes? Qu'est-ce, dans la Mort de César ', que l'art des harangues d' Antoine, si ce n'est le génie d’un esprit supérieur, et ce- · lui de la vraie éloquence? C’est le défaut trop fréquent de cet art qui gate les a plus beaux ouvrages de Corneille. Je ne dis pas que la plu- — part de ses tragédies no soient très-bien imaginees et très- —· bien conduites; je crois même qu'il a connu mieux qnî personne l'art des situations et des contrastes; mais Yarîi des expressions et l'art des vers, qu'il a si souvent négligéî ou pris a faux, déparent ses autres beautés. ll parait avoiïr ignoré que, pour étre lu avec plaisir, ou même pour fairîv illusion a tout le monde dans la représentation d’un poèmîe dramatique, il fallait, par une éloquence continue, souœni r l’attention des spectateurs, qui se relâche et se rebute né · cessairement, quand les détails sont négligés. ll y a long — temps qu’0n a dit que l'expression était la principale partîe de tout ouvrage écrit en vers; c‘est le sentiment des gramâs · maitres, qu'il n'est pas besoin de justifier. Chacun sait ce I qu`on souffre, je ne dis pas a lire de mauvais vers, mais · même à entendre mal réciter un bon poème : si l'empliaS¢ · à • l'• édition: « Qui peint la nature dans sa perfection, Iilue, forte, f¢«M¤« I u aisée, pleine de sublime et de grace. • :

  • Tragédie de Voltaire. — D. kg

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