Que je ne devrais rien A ce qu’il fait pour nous,
Si, comme par soi-même un grand cœur juge un autre,
Je n'aimais mieux juger sa vertu par la notre ,
Et croire que nous seuls amena ce combattant,
Parce qu'au point qu'il est, ]’en voudrais faire autant '. .
Ponte, acte V, scéne I.
Il me paraît, dit. Fénelon‘, qu'on a donné souvent aux Ro-
mains un discours trop fastueux .... Je ne trouve point de pro- •
portion entre l'emphase avec laquelle Auguste parle dans la . .
tragédie de Cinna, et la modeste simplicité avec laquelle Sué-
tone le dépeint dans tout le détail de ses mœurs... 'Tout ce
que nous voyons dans Tite-Live, dans Plutarque, dans Cicéron,
dans Suétone, nous 'représente les Romains comme des hommes
hautains dans leurs sentiments, mais simples, naturels et mo-
destes dans leurs paroles, etc.
Cette allectation de grandeur, que nous leur prètons, m`a
toujours paru le principal défaut de notre théâtre, et l’é-
cueil ordinaire des poètes ’. Je n’ignore pas que la hauteur
est en possession d’imposer à l’esprit humain; mais rien ne
décèle si parfaitement aux esprits tins une hauteur fausse
et contrefaite, qu’un discours fastueux et cmphatique i. ll
est aisé d’ail1eurs aux moindres poètes de mettre dans la `
bouche de leurs personnages des paroles lières ;·ce qui est
difticile, c'est de leur faire tenir ce langage hautain avec
vérité et à propos. C'était le talent admirable de Racine, et
celui qu'on a le moins daigné remarquer dans ce grand
homme. Il y a toujours si peu d’atl`ectation. dans ses dis-
cours, qu'on ne s’aperçoit pas de la hauteur qui s`y ren-
contre. Ainsi, lorsque Agrippine , arrêtée par l’ordre de
• [Les plats vers! - V.]- Voltaire est plus modéré dans son Commentaire;
il se contente de reprendre les mots par la nôtre, et de remarquer que aupoint
qu'il est ne se dlt plus. - G.
¤ Fénelon, Lettre sur Féloquenee, 5 VI. — B.
î Dans son Commentaire sur Corneille (Pompée, acte Ill, sc. Ir), Voltaire cite
œtœ phrase, et rappelle qu'eIle est ¤ du judicieux marquis de Vauvenargues,
homme trop peu connu, et qui a trop peu vécu. n —— G.
• i" édition : ~ Si l’on y voulait rétléchir, on verrait que rien n‘est moins
dansle caractère des grands hommes que ce style. •
Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/297
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SUR QUELQUES POÈTES.