Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/292

Cette page n’a pas encore été corrigée

L’un et l’autre ont parfaitement connu le cœur de l'homme, l’un et lautre se sont attachés a peindre la nature. Racine la saisit dans les passions des grandes ames; Molière dans l’humeur et les bizarreries des gens du commun’. L’un a joué avec un agrément inexplicable les petits sujets; l'autre a traité les grands avec une sagesse et une majesté touchantes. Molière a ce bel avantage que ses dialogues jamais ne languissent; une forte et continuelle imitation des mœurs passionne ses moindres discours. Cependant, à considérer simplement ces deux auteurs comme poètes, je crois qu’il ne serait pas juste d’en faire comparaison : sans parler de la supériorité du genre sublime donné à Racine, on trouve dans Molière tant de négligences et d’expressions bizarres et impropres, qu’il y a peu de poètes, si j’ose le dire, moins corrects et moins purs que lui ’. En pensant bien, il parle souvent mal, dit. l’illustre archevêque de Cambrai : il se sert des phrases les plus forcées et les moins naturelles. Terence dit en quatre mots, avec la plus élégante simplicité ce que celui·ci ne dit qu’avec une multitude de métaphores qui approchent du galimatias. J’aime bien mieux sa proses que ses vers’, etc.

Cependant l'opinion commune est qu’aucun des auteurs de notre théâtre n’a porté aussi loin son genre que Molière a poussé le sien; et la raison en est, je crois, qu’il est plus naturel que tous les autres. C’est une leçon importante pour tous ceux qui veulent écrire i.

t Alceste n`est certainement pas un homme du commun; il y a peu de caractères plus nobles. `—- S.

  • La i" édition ajoutait: « On peut se convaincre de ce que je diam le poème du Val—de-Grâce, ou Molière n’est que poete; on n’est pas toujours satisfait. • — Sur Pexemplaire d’Aix, cette phrase est bitfée par w’

taire. — G.

¤ Voir Fénelon , Lettre sur t’Éloquence, § Vll. — G.

• Pour ne pas juger trop sévèrement ce morceau, le seul peut-etre qui soit faux a-peu~prè• de tout point, et fasse vraiment tort au gout de Vmvwf gues; il faut se rappeler le caractère particulier de l’auteur (voir notre Éloge), et l’opinion de Fénelon, dont il s’autorise, et qu’il exagère, en l’imitant. Dans une lettre datée du 21 janvier |7Il5, Vauvenargues écrit à Voltaire : •J’ai corrigé mes pensées à l'égard de Moliere, sur celles que vous avez un tant!