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DE VAUVENARGUES.


discourir, je le dis sans blâme, qui se trahit non-seulement dans le ton parfois un peu monté, mais dans le titre même de bon nombre de ses ouvrages[1]. Qu’on se représente, enfin, ce qu’avait à la fois de remarquable et d’attachant, dans un homme aussi jeune, la réunion des qualités fortes et des qualités tendres, s’excitant ou se tempérant les unes par les autres, et l’on conçoit le respect qu’il impose, et l’autorité qu’il exerce sur ses compagnons ; il part du même point qu’eux : c’est pour cela qu’ils l’aiment ; mais il va plus haut et plus loin : c’est pour cela qu’ils l’admirent.

Les hautes espérances dont il était l’objet, il n’est pas douteux que Vauvenargues ne les partageât ; il sentait en lui cette invitation secrète qui attire à la gloire ceux qui sont faits pour elle. L’ambition, cette passion ardente qui exile les plaisirs dès la jeunesse, anime déjà toutes ses actions, comme elle animera bientôt tous ses écrits. Il n’y a pas pour lui de visée trop haute ; il n’a qu’une crainte, c’est de raser trop timidement la terre. « Êtes vous né pour la gloire, s’écrie-t-il sans cesse, il faut laisser parler le monde, et suivre hardiment votre essor… S’il arrive après cela que la fortune soit contraire, elle ne peut empêcher du moins que les grandes occupations n’élèvent et ne soutiennent l’âme ; … une âme un peu haute aime à lutter contre le mauvais destin,… et le combat lui plaît sans la victoire. » En effet, l’ambition de Vauvenargues sera plus obstinée que le mauvais destin ; toujours déçue, mais jamais lasse, elle poursuivra successivement son but dans trois carrières différentes ; puis, quand la mort sera là, n’ayant pu agir, il dira du moins ce qu’il a pensé ; il se soulèvera sur son lit de douleur, pour recueillir à la hâte ses méditations éparses, et les jeter au hasard de la postérité, comme le naufragé jette au hasard des flots les quelques lignes qu’ils porteront au rivage. Le respect de Vauvenargues pour la gloire va de pair avec son ambition : tout ce qui est grand, dans la guerre, dans la politique, dans les lettres, le saisit tout

  1. Discours sur la Gloire, Discours sur les Plaisirs, Conseils à un Jeune homme, etc. Le tempérament oratoire de Vauvenargues, si l’on peut s’exprimer ainsi, est, au moins, aussi marqué dans sa Correspondance.