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` 212 TRAITÉ n’est point entre les hommes et lui. Peut-il y avoir de l'éga- lité dans une distance infinie des créatures au Créateur? cela se peut-il concevoir? -l1secontredit, dites-vous, s'il est vrai qu’il nous donne une loi dont il nous écarte lui- méme. —Non, il ne secontredit point; sa loi n’est point sa volonté; il nous a donné cette loi pour qu'elle jugeàt nos actions; mais, comme il ne veut pas nous rendre tous heu- reux, il ne veut pas non plus que tous suivent sa loi; rien de si facile à connaitre. A - Dieu n'est donc pas bon, direz-vous. - Il est bon, puisqu’il donne a tant de créatures des grâces qu’il ne leur doit point, et qu’il les sauve ainsi gratuitement. ll aurait plus de bonté, selon nos faibles idées, s'il voulait nous sau- ver tous; sans doute il le pourrait, puisqu’il est tout·-puis- sant; mais puisqu’il le pourrait et qu’il ne le fait pas, il faut conclure qu’il ne le veut pas, et qu’il a raison de ne le pas vouloir. — ll le veut, selon nous, me répondrez-vous; mais c'est nous qui lui résistons. — 0 le puissant raisonnement! Quoi! celui qui peut tout, peut donc vouloir en vain? il manque donc quelque chose a sa puissance ou a sa vo- lonté? car si l‘une et l’autre étaient entières, qui pourrait leur résister? Sa volonté, dit-on, n'est que conditionnelle; c’est sous des conditions qu’il veut notre salut; mais quelle est cette volonté? Dieu peut tout, il sait tout; et il veut mon salut, que je ne ferai pas, qu’il sait que je ne ferai pas, et qu’il tient à lui d’opérer I Ainsi Dieu veut une chose qu’il sait qui n'arrivera pas, et qu’il pourrait faire arriver! Quelle étrange contradiction! Si un homme, sachant que je veux me noyer, et pouvant m'en empecher sans qu’il lui en coûte rien, et m'oter meme cette funeste volonté, me laissait ce- pendant mourir et suivre ma résolution, dirait-on qu’il veut me sauver, tandis qu’il me laisse périr? Tant de nations idolàtres que Dieu laisse dans l'erreur, et qu’il aveugle lui—meme, comme le dit l'Écriture, prouvent-elles, par leur ` misère et par leur abandonnement, que Dieu veut aussi