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ÉLOGE.


la promesse et le gage. La vie de Vauvenargues ne donne pas ce plaisir, et la médiocrité même de sa fortune nous dérobe son enfance. Né à Aix, le 6 août 1715, d’un gentilhomme d’assez bonne souche, mais pauvre et sans grandes alliances, Luc de Clapiers, fils aîné du marquis de Vauvenargues, fut obscurément élevé dans un modeste manoir que l’on voit encore aux environs d’Aix ; à peine savons-nous qu’on le mit au collège de la ville prochaine, que la faiblesse naturelle de sa santé l’empêcha d’y faire des études suivies, et qu’il ne fut jamais en état de lire une page de latin, moins encore de grec. C’est a vingt-quatre ans qu’il se révèle : il a embrassé la seule carrière qui, avec celle de l’Église, fût alors ouverte aux jeunes gentilshommes, la carrière des armes ; il a six années de service dans le régiment du Roi ; il s’est fait remarquer dans la campagne d’Italie, il est capitaine, et il porte un surnom : ses camarades l’appellent le Père. Décerné par une armée entière à Turenne ou à Catinat, un pareil titre n’a rien d’étrange, et s’explique de soi ; mais, quand il s’agit d’un homme aussi jeune, et perdu dans les rangs inférieurs d’une armée, ce nom provoque plutôt, d’abord, le sourire que l’admiration, et nous fait craindre dans celui qui le porte un de ces sages prématurés, qui ne sont jamais jeunes, ou qui cessent trop tôt de l’être. Heureusement, lorsqu’on regarde de près au caractère et à la vie de Vauvenargues, on éprouve une surprise charmante à se convaincre que jamais nom ne fut donné plus sérieusement, ni plus sérieusement justifié. Quelques exemples, tirés des passions de cet âge, en donneront la preuve.

Commencerons-nous par ce qui est le commencement et la fin de tout pour la jeunesse, par l’amour ? Déjà le père est à côté du compagnon de plaisir. Ce n’est pas qu’il soit moins entraîné que ses amis ; ces amours prompts et faciles qui séduisent les jeunes gens jusqu’à ce qu’ils s’en repentent, non-seulement il les a connus, mais il les a chantés ; il vient de mettre la dernière main peut-être à ces poésies licencieuses dont il s’accusera bientôt, auprès de Voltaire, avec une confusion qui dut embarrasser un peu, j’imagine, l’auteur secret encore de la Pucelle. Mais, déjà sérieux même dans les choses légères, s’il cède au plaisir