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SUR LE LIBRE ARBITRE.


des souvenirs languissants avec des idées tres-vives, ou des · notions qui reposent dans le sein de la mémoire avec des no- tions présentes et des sentiments actuels. ll est certain cepen- dant que des idées absentes ou des idées alfaiblies ne peu- vent guère plus sur nous que celles qu'on n’a jamais eues '• Ce sont donc nos idées actuelles qui font nattre le sen- timent, le sentiment la volonté, et la volonté l'action. Nous avons très-souvent des idées fort contraires et des sen- timents opposés : tout est présent à l'esp1·it, tout s’y peint presque à la fois; du moins, les objets s’y succèdent avec beaucoup de vitesse, et forment des désirs en foule`; ces désirs sont combattus; nul n'est —proprement volonté, car la volonté décide; c'est incertitude, anxiété. Mais les idées les plus sensibles, les plus entières, les plus vives, l’em- portent enfin sur les autres; le désir qui prend le dessus change en meme temps de nom, et détermine notre action. Les philosophes nous assurent que le bien et le mal sont les deux grands principes de toutes les actions humaines; t le bien produit l’amour, le désiret la joie; le mal est suivi de tristesse-, de crainte, de haine, d’horreur; les idées de _ lun et de l’autre en font nattre le sentiment. Quelques-uns pensent que le mal agit plus sur nous; que le bien ne nous détermine point d'une manière immédiate, mais par l'in· quiétude ou malaise qui fait le fond des désirs. Tout cela n’est pas essentiel: que ce soit par ce malaise, qu’un bien imparfait laisse en nous, que le cœur se détermine; ou que _

  • Var. .· abo plus grand bien connu, dit-on, détermine nécessairement

~ notre ame : oui, s'il est senti tel, et présent a notre esprit; mais si le senti- ·¤ ment de ce prétendu bien est atïaibli, ou ai le souvenir de ses promusea · sommeille dans le sein de la mémoire, le sentiment actuel et dominant ·· Yemporte sans peine; entre deux puissances rivales, la plus faible est né- _· oessairement vaincue. Lo plus grand bien connu parmi les h0mmes,,c’est - sans difficulté le paradis: mais lorsqu‘un homme amoureux se trouve vis- · a·vis de sa maitresse, ou Vidéo de ce bien supreme ne ae présente pas a ~ son esprit, qttoiqu’elle y soit empreinte, ou elle se présente si faiblement, • que le sentiment actuel et passionné d‘un plaisir volsge prévaut sur l‘image . « elacée d'une éternité de bonheur; de sorte qn‘a parler exactement, ce n'eat \ • DB le plus grand bien connu qui determine, mais le bien dont le sentiment ' • lgît avec le plus de force sur notre ame, et dont l'idée nous est [le] plus ~ présente. » 4