Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/248

Cette page n’a pas encore été corrigée

194 . rnzurn leur expérience. J'exposerai des raisons pour prouver mon sentiment et le rendre inébranlable par un accord merveil- leux; mais je crois que ces exemples répandront un jour sensible sur ce qui me reste à dire; ils aplaniront notre _ voie. Soyez cependant persuadé que ce qui dérobe à l'esprit le mobile de ses actions, n’est que leur vitesse infinie. Nos 'pensées meurent au moment ou leurs effets se font con- naitre; lorsque l'action commence, le principe est évanoui; la volonté parait, le sentiment n'est plus; on ne le trouve plus en soi, et l'on doute qu'il y ait été' : mais ce serait un vice énorme que l'on eut des volontés qui n'eussent point de principe; nos actions iraient au hasard; il n’y aurait plus que des caprices; tout ordre serait renversé'. Il ne suflit donc pas de dire qu’il est vrai que la réflexion ou le senti- ment nous conduise ; nous devons encore ajouter qu'il serait monstrueux que cela ne fût pas. L'homme est faible, on en convient; ses sentiments sont trompeurs, ses vues sont courtes et fausses; si sa volonté captive n'a pas de guide plus sûr, elle égarera tous ses pas. Une preuve naturelle qu'elle en est réduite là, c'est qu’eUe s'égare en effet; mais ce guide, quoique incertain, vaut mieux qu’un instinct aveugle; une raison imparfaite est beaucoup au—dessus d‘une absence de raison. La raison dé- bile de l'homme et ses sentiments illusoires le sauvent encore néanmoins d‘une infinité d'erreurs; l'homme entier serait abruti s' il n’avait pas ce secours. Il est vrai qu'il est impar- fait; mais c'est une nécessité : la perfection infinie ne souffre point de partage; Dieu ne serait point parfait si quelque autre pouvait l'étre. Non-seulement il 1·épugne qu'il y ait deux etres parfaits; mais il est en méme temps impossible que deux etres indépendants puissent subsister ensemble, f Var.: « Cc qui dérobe à notre esprit le mobile de ses volontés, c'est la c fuite précipitée de nos idées, ou la complication des sentiments qui nous ¤ agitent; le motif qui nous fait agir a souvent disparu lorsque nous agis- « sons, et nous n'en trouvons plus la trace. »

  • Var. : « Notre vie ne serait qu’uuo suite de caprices, si notre volonté sel

« déterminnlt d’elle-même ct sans motifs. »