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t58 _ DISCOURS SUR LE CARACTERE moler, disent-ils, des hommes a la Divinité! verser le sang humain pour honorer les funérailles des grands! etc. Je ne prétends point justifier de telles horreurs; mais je dis : Que nous sont ces hommes que je vois couchés dans nos places et sur les degrés de nos temples, ces spectres vivants ._ - que la faim, la douleur et les maladies précipitent vers le tombeau'? Des hommes, plongés dans les superfluités et les délices, voient tranquillement périr d’autres hommes que la misère emporte à la fleur de l’âge·. Cela parait-il · moins féroce? et lequel mérite le mieux le nom de barbarie, d’un sacrifice impie fait par l’ignorance, ou d'une inhuma- nité commise de sang-froid, et avec une entière connais- sance 7 Pourquoi dissimulerais-je icl ee que je pense? Je sais que nous avons des connaissances que les anciens n'avaient pas : nous sommes meilleurs philosophes à bien des égards; mais pour ce qui est des sentiments, j'avoue que je ne connais guère d’ancien peuple qui nous cède. C'est de ce c0té·là, je crois, qu’on peut bien dire qu’il est difficile aux hommes de s'élever au-dessus de l'instinct de la nature. Elle a fait nos ames aussi grandes qu’elles peuvent le devenir, et la hauteur qu’elles empruntent de la réflexion est ordinaire- ment d'autant plus fausse qu’elle est plus guindée. Tout ce qui ne dépend que de l'âme ne reçoit nul accroissement par les lumières de l’esprit, et, parce que le gout y tient essentiellementh je vois qu’on perfectionne en vain nos connaissances; .0n instruit notre jugement, on ‘|l.Éœ|I¢ point notre goût. Qu'on joue Pourceaugmu: a la comédie, ou telle autre farce un peu comique, elle n'y attirera pas moins de monde qu'Andromaque; on entendra jusque dans la rue les eclats du parterre enchanté. Qu'il y ait des pantomimes supportables à la Foire, ils feront déserter la comédie; j’ai

  • Ce passage fait penser A la peinture, autrement animée et saisissante, que

La Bruyère (ch. de l'H0mme) fait des paysans de son temps. —G. , • Voir, plus loin, le Discours sur Nnégalite des Richesse:. — G. è Déja, dans Plntroduction ai la Connaùaance de Peaprit humafn,ch. 12, du Gmil, Vauvenargues avait dit : ¤ ll faut avoir de l'amc pour avoir du goùm — G.