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DES DIFFÉRENTS SIÈCLES.


raient extrèmement barbares vis~a—vis de nous; mais si la corruption de l'art, si l'abus des regles, si les conséquences mal tirées des bons principes, si les fausses applications, si Fincertitude des opinions, si Yaffectation, si la vanité, si les mœurs frivoles , ne méritent pas moins ce nom que l’ignorance, qu’est·ce alors que la politesse dont nous · nous vantons? , ` Ce n’est pas la pure nature qui est barbare, c’est tout ce qui s’éloigne trop de la belle nature et de la raison. Les cabanes des premiers hommes ne prouvent pas qu'ils man- quassent de goût; elles témoignent seulement qu’ils man- quaient des règles de Parchitecture. Mais quand on eut . connu ces belles règles dont je parle, et qu’au lieu de les suivre exactement, on voulut enchérir sur leur noblesse, charger d’omements superflus les bâtiments, et, à force <:l'art, faire disparaître la simplicité, alors ce fut, à mon sens, une véritable barbarie et la preuve du mauvais goût. Suivant ces principes, les dieux et les héros d' Homère, peints naïve- xnent par le poëte d’après les idées de son siècle, ne font s pas que l'lliad¢ soit un poème barbare, car elle est un ta- loleau très-passionné, sinon de la belle nature, du moins de la nature; mais un ouvrage véritablement barbare, c'est un jpoëme où l’on n’ape rçoit que de l'a1·t, où le vrai ne règne jamais dans les expressions et les images, où les sentiments ` sont guindés, où les ornements sont superflus et hors de leur place'. Je vois de fort grands philosophes qui veulent bien fermer les yeux sur ces défauts, et qui passent d'ab0rd à ce qu’il y a de plus étrange dans les mœurs anciennes. Im- « La nature, qui est l‘inventrice et la législatrice aè tous les arts, aurait-elle a attendu des arts sa maturité et aa gloire? » - Autre add. : [¤ le sais cepen- « dant que ce qui n'eat pas nécessaire dans un siècle, dans un autre siècle ~ devient un besoin. Je n’estime, nl ne méaestime le luxe; s'i\ est utile A ¤ notre commerce, A la bonne heure, qu'on Fentretieune autant qu’il est « possible. »] l Vauvenargues fait évidemment allusion A J.-B. Rousseau ct A la poésie lyrique du 18• siècle; il a cc sujet a cœur, et il y reviendra souvent, presque• toujours dans les mômes termes. ·-— G. I l « i