156 DISCOURS SUR LE CARACTERE cet état, ils fassent de plus faux raisonnements que les gens du monde; je vois, au contraire, qu’à tout prendre, leurs pensées sont plus naturelles, et qu’îl s’en faut de beaucoup , que les simplicités de Yignorance soient aussi éloignées de la vérité que les subtilités de la science et l'imposture de l'a8`ectation '. · Aussi, jugeant des mœurs anciennes par ce que je vois des mœurs du peuple , qui me représente les premiers temps, je crois que je me serais fort accommode de vivre A Thèbes, à Memphis, à Babylone; je me serais passé de nos manufactures, de la poudre à canon, de la boussole et de nos autres inventions modernes, ainsi que de notre philo- sophie. Je n’estime pas plus les Hollandais pour avoir un commerce si étendu, que je [ne] méprise les Romains pour l'avoir si longtemps négligé. Je sais qu’il est bon d'avoir des vaisseaux, puisque le roi d’Angleterre en a, et qu'étant accoutumée, comme nous sommes, à. prendre durcafé et du chocolat, il serait fâcheux de perdre le commerce des iles; mais je ne pense pas que les peuples anciens, privés d'une partie des superlluités de notre commerce, aient été par là plus à plaindre; Xénophon n’a point joui de ces déli- catesses, et il ne m'en parait ni moins heureux, ni moins _ honnete homme, ni moins grand homme'. Que dirai-je en- core? le bonheur d`étre né chrétien et catholique ne peut- l ètre comparé à aucun autre bien; mais s'il me fallait étre quaker ou monothélite, j'aimerais presque autant le culte des Chinois, ou celui des anciens Romains. Si la barbarie consistait uniquement dans l'ignorance, certainement les nations les plus polies de l'antiquité se-
- Add.: [· Partout ou il y a des hommes, on fait de faux raisonnements,
« et peut-etre en bien plus grand nombre parmi les hommes polis, que parmi ~ les autres; car le peuple ne se trompe que faute d'apercevoir la vérité, • tandis que les gens du monde se trompent encore par légèreté, par vanité, ·— par présomption, par sufllssnoe. •]
- Add.: ~ Nous attribuons tmp A l'nrt : ni nos biens ni nos maux essentiels
· n'ont reçu leur etre de lui. Comme il ne nous a pas donné la santé, la beauté, ‘ ·· les graœs, la vigueur d'esprit et de corps, il ne peut non plus nous sous- ~ traire aux maladies, aux guerres, au vioe, i la mort. Serait·il plus parfait u que la nutum, dont il tient ses règles'! L’el`et vaut-il mieux que la cause 'I