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SUR LA GLOIRE.

nous fera cultiver, les sentiments dont elle remplira notre âme, répareront bien cette erreur. Qu’importe que si peu de ceux qui courent la même carrière la remplissent, s'ils cueillent de si nobles fleurs sur le chemin, si, jusque dans 1'adversité, leur conscience est plus forte et plus assurée que celle des heureux du vice !

Pratiquons la vertu ; c‘est tout. La gloire', mon très-cher ami, loin de vous nuire, élèvera si haut vos sentiments, que vous apprendrez d’elle-même à vous en passer, si les hommes vous la refusent' : car quiconque est grand par le cœur, puissant par l'esprit, a les meilleurs biens; et ceux a qui ces choses manquent ne sauraient porter dignement ni l'une ni l'autre fortune.


SECOND DISCOURS


Puisque vous souhaitez, mon cher ami, que je vous parle encore de la gloire, et que je vous explique mieux mes sentiments, je veux tâcher de vous satisfaire, et de justifier ' mes opinions sans les passionner, si je puis, de peur de farder ou d‘exagérer la vérité, qui vous est si chère, et que vous rendez si aimable.

Je conviendrai d’abord que tous les hommes ne sont pas nés, comme vous [le] dites, pour les grands talents ; et je ne crois pas qu’on puisse regarder cela comme un malheur, puisqu’il faut que toutes les conditions soient conservées, et que les arts les plus nécessaires ne sont ni les plus ingénieux, ni les plus honorables. Mais ce qui importe, je crois, c'est qu’il règne dans tous ces états une gloire assortie au mérite qu’ils demandent. C'est l’amour de cette gloire qui

• Au lieu de: l'amour de la gloire. — G.

  • C'est ce que Vauvenargues lui-même avait appris, ou devait apprendre

bientot. - G.