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iv
AVERTISSEMENT


bre parmi celles de Fortia, de Morellet et de Suard ; souvent, elles remarquaient dans le texte de l’auteur, ici, une expression incorrecte, là, une phrase obscure, qui ne se trouvaient pas dans les deux éditions originales, ou dans les manuscrits que j’avais sous les yeux : la faute ayant disparu, il est clair que la correction devait disparaître en même temps. Au reste, si les trois éditeurs dont je parle tombent souvent à faux dans leurs remarques, ils ne sont pas toujours sans excuse : à part les deux editions originales qu’ils auraient pu suivre avec plus de respect, ils n’avaient entre les mains que des copies inexactes, ou des brouillons, qui ne contenaient pas l’expression dernière de la pensée de l’auteur ; bien des documents leur ont manqué, que j’ai pu réunir, et qui m’ont mis à même d’améliorer leur travail, en même temps que je le complétais.

La Bibliothèque du Louvre possède, sous le no 153, un manuscrit, petit in-4o, de 708 pages, entièrement écrit de la main de Vauvenargues. Il est composé d’une série de cahiers de grandeur inégale ; la pagination, faite après coup, n’en est pas toujours exacte ; par exemple, un Discours, commencé à la page 564, s’achève à la page 541. De plus, ce volume, mêlé de brouillons et de mises au net, est d’un dépouillement difficile : il faut chercher la version définitive d’un même morceau répété jusqu’à six ou huit fois, souvent sous des titres divers ; puis, quand on l’a trouvée, il faut reprendre, dans les versions préparatoires, les variantes qu’elles peuvent contenir. Non-seulement Vauvenargues revient sur ses idées avec une persistance qui en multiplie les expressions ; mais il en change, à tout moment, l’ordre ou la destination : c’est ainsi que telle page, placée d’abord dans une Préface, se retrouve ensuite dans un Discours, et qu’il faut prendre garde aux doubles emplois reprochés, à juste titre, aux éditions précédentes. Cependant, si confuse qu’elle soit, comment, depuis plus d’un siècle, une mine aussi riche après tout, n’avait-elle pas été exploitée ? C’est que les éditeurs, en général, contents de ce qu’ils ont, ne s’inquiètent pas de ce qui leur manque ; c’est qu’au temps de Suard, pour ne parler que de lui, l’éditeur se croyait quitte envers l’auteur, quand il en avait donné au public un texte plus ou moins pur, précédé d’une notice plus ou moins exacte ; c’est qu’enfin, pour tirer parti de la plupart des cahiers du Louvre, il fallait pouvoir les mettre en regard de manuscrits plus corrects ou plus achevés.

Heureusement, ces moyens de contrôle ne m’ont pas manqué. Les ouvrages de Vauvenargues ne sont pas nombreux ; mais il en faisait, pour ses amis et ses correspondants[1], de nombreuses copies, répandues aujourd’hui dans les collections particulières. Il est rare qu’elles soient entièrement identiques ; elles donnent presque toutes, non-seulement

  1. Voir la note de la page XXII de l’Éloge de Vaugenargues.