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as nErr.r:x1oNs _ toutes les agitations des hommes. On cherche jusque dans les livres et dans les belles·lettres le secret de s’élever et de s’établir : si les hommes n'espéraient pas d’empr1mter de leurs lectures des maximes et des lumières pour dominer les autres hommes, il y aurait peu de curieux, et les meil- leurs ouvrages seraient négligés. Mais ce concours de tous les hommes vers la meme fin, cette égale ambition de s'a- grandir et de primer qui les dévore, les oppose les uns aux autres, et les rend irréconciliables; de sorte que, tous prétendant aux memes biens, la force décide; ceux qui ont plus d’activité, ou plus de sagesse, ou plus de finesse, ou plus de courage et d'opiniâtreté que les autres, l’empor- tent. Ainsi, la vie n'est qu’un long combat où les hommes se disputent vivement la gloire, les plaisirs, Yautorité et les richesses. Mais il y en a qui apportent au combat des armes plus fortes, et qui sont invincibles par position : tels sont les enfants des grands, ceux qui naissent avec du bien, et déjà respectés du monde par leur qualité. De là vient que le mérite qui est nu, succombe; car aucun talent, aucune vertu, ne sauraient contraindre ceux qui sont pourvus par la fortune à. se départir de leurs avantages; ils se prévalent _ avec empire des moindres privilèges de leur condition, et il n’est pas permis à la vertu de se mettre en concurrence. Cet ordre est injuste et barbare; mais il pourrait servir a justifier les misérables, s’ils osaient s’avouer leur impuis- sance et le désavantage de leur position. Cependant, les hommes, qui ont d’ailleurs tant de vanité, loin de se rendre une raison si naturelle de leur misère et de leur obscurité, y cherchent d’autres causes bien moins vraisemblables; ils accusent je ne sais quelle fatalité personnelle qu’ils n’en- tendent point, se regardent souvent eux-mêmes comme les complices de leur malheur, et se repentent de ce qu’ils ont fait, comme s’ils voyaient nettement que toute autre con- duite leur eût réussi; tant ils ont de peine a se persuader qu’ils ne sont pas nés les maîtres de leur fortune! Et si l'on use de cette rigueur envers soi-méme, combien plus n'y