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SUR DIVERS SUJETS.


des querelles ridicules et par des libelles; une cruelle et inique persécution est jusqu'à la mort le partage de ceux ‘ qui excellent. Si on cherche la cause de cette jalousie entre les gens de lettres, on en trouvera plusieurs : la première est qu’il y a dans le monde plus d’esprit que de grandeur d'âme, plus de gens a talent que de génies élevés; et d'or- dinaire les gens d’esprit qui manquent par le cœur, hais- sent vivement ceux qui les passent par leurs sentiments et par leur essor. Une autre raison est que les hommes n’ont guère d’estime que pour leur, propre genre d'esprit, et qu'i|s comprennent à peine les autres talents. Mais il en a toujours été ainsi; de sorte qu’il n’est pas possible d’espé- rer que cela change. Cependant, les jeunes gens se tlattent, dans leur premier âge, de l'espérance de la gloire; car lors- que l’on est né avec de l'esprit, il faut bien des années pour se persuader que le mérite a si peu de considération parmi les hommes. Comme ils sont vivement frappés de la beauté ou de la grandeur de certains génies, ils ne peuvent ima- giner qu’il y ait des esprits insensibles a cet éclat, et des yeux qui ne le voient point. Et, quoiqu’ils en entendent parler avec mépris, ils ne croient pas que ce sentiment soit général, et ils se relèvent par le mépris qu’ils ont eux- mèmes pour cette sorte de froids esprits. Mais, à. mesure qu' ils avancent dans la vie, ils reconnaissent combien ils se sont trompés, et ils se découragent à la vue des dégoûts et I des chagrins qui les attendent.] ' 27. —— [sun r.'nn>¤issmc¤ ou utmrr.] [Je dirai une chose triste pour tous ceux qui n’ont que du mérite sans fortune: rien ne peut remplir l’intervalle que le hasard de la naissance ou des richesses met entre les hommes. ` Dés qu'on n'est point préoccupé par les besoins de la vie, ou abruti par les plaisirs, on tend à. la fortune ou à la gloire; c'est presque l'unique fin où se rapportent toutes les actions. toutes les paroles, toutes les études, toutes les veilles et I