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DE L’ESPRIT HUMAIN.

et criminelle ; la bonne foi est une fidélité sans défiance et sans artifice.

La force d’esprit est le triomphe de la réflexion, c’est un instinct supérieur aux passions, qui les calme ou qui les possède[1] ; on ne peut pas savoir d’un homme qui n’a pas les passions ardentes, s’il a de la force d’esprit ; il n’a jamais été dans des épreuves assez difficiles[2].

La modération est l’état d’une âme qui se possède ; elle naît d’une espèce de médiocrité dans les désirs, et de satisfaction dans les pensées, qui dispose aux vertus civiles.

L’immodération, au contraire, est une ardeur inaltérable[3] et sans délicatesse, qui mène quelquefois à de grands vices.

La tempérance n’est qu’une modération dans les plaisirs, et l’intempérance, au contraire[4].

L’humeur est une inégalité qui dispose à l’impatience. La complaisance est une volonté flexible ; la douceur, un fonds de complaisance et de bonté.

La brutalité, une disposition à la colère et à la grossièreté ; l’irrésolution, une timidité à entreprendre ; l’incertitude, une irrésolution à croire ; la perplexité, une irrésolution inquiète.

  1. L’auteur a voulu dire qui les maîtrise, et le mot possède n’est pas ici le synonyme ; il ne l’est que dans cette phrase faite, se posséder, qui signifie, en effet se maîtriser. D’ailleurs, si cette force d’esprit, qu’il eût mieux valu appeler force de l’âme (car c’est de celle-là qu’il s’agit ici), est le triomphe de la réflexion, comme je le crois avec l’auteur, ce n’est donc pas un instinct, car on n’entend par instinct tout ve qui précède la réflexion. — La H.]
  2. [Cela est-il bien vrai ? On ne nous dit pas que le stoïcien Épictète ait eu un tempérament passionné ; cependant lorqu’il disait si tranquillement à son maître qui ss’était amusé à lui casser la jambe par forme de jeu, Je vous l’avais bien dit que vous me casseriez la jambe, n’y avait-il pas là quelque force d’esprit ? — La H.] — La Harpe aurait pu ajouter que l’épreuve etait pourtant assez difficile. — G.
  3. Vauvenargues veut dire une ardeur qui ne peut etre désaltérée ; il prend donc le mot inaltérable presqu’à contresens, insatiable est ici le mot propre. — G. — [Ce n’est pas la peine d’ajouter qu’une pareille ardeur est sans délicatesse. On ne peut pas la supposer avec l’immodération, qui est proprement le défaut de mesure en tout. — La H.]
  4. Il faudrait : le contraire ; de même, trois phrases plus bas : l’imprudence : tout le contraire. — G.