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DE L’ESPRIT HUMAIN.

45. — Du courage.

Le vrai courage est une des qualités qui supposent le plus de grandeur d’âme. J’en remarque beaucoup de sortes : un courage contre la fortune, qui est philosophie, un courage contre les misères, qui est patience ; un courage à la guerre, qui est valeur ; un courage dans les entreprises, qui est hardiesse ; un courage fier et téméraire, qui est audace ; un courage contre l’injustice, qui est fermeté ; un courage contre le vice, qui est sévérité un courage de réflexion, de tempérament, etc.[1] Il n’est pas ordinaire qu’un même homme assemble tant de qualités. Octave, dans le plan de sa fortune, élevée sur des précipices, bravait des périls éminents, mais la mort, présente à la guerre, ébranlait son âme. Un nombre innombrable de Romains qui n’avaient jamais craint la mort dans les batailles, manquaient de cet autre courage qui soumit la terre à Auguste.

On ne trouve pas seulement plusieurs sortes de courages, mais dans le même courage bien des inégalités. Brutus, qui eut la hardiesse d’attaquer la fortune de César, n’eut pas la force de suivre la sienne : il avait formé le dessein de détruire la tyrannie avec les ressources de son seul courage, et il eut la faiblesse de l’abandonner avec toutes les forces du peuple romain, faute de cette égalité de force et de sentiment qui surmonte les obstacles et la lenteur des succès.

Je voudrais pouvoir parcourir ainsi en détail toutes les qualités humaines ; un travail si long ne peut maintenant m’arrêter[2]. Je terminerai cet écrit par de courtes définitions.

Observons néanmoins encore que la petitesse est la source d’un nombre incroyable de vices de l’inconstance, la légèreté, la vanité, l’envie, l’avarice, la

  1. avarice, de la. • [Bien. — V.]
  2. L’expression n’est pas juste. — V.] — Il faudrait, en effet : Je ne puis maintenant m’arrêter à un si long travail. — G.