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Ainsi les hommes sont souvent portés au crime par de fatales rencontres, ou par leur situation ; ainsi leur vertu dépend de leur fortune[1]. Que manquait-il à César, que d’être né souverain ? Il était bon, magnanime, généreux, hardi, clément personne n’était plus capable de gouverner le monde et le rendre heureux :

s’il eût eu une fortune égale à son génie, sa vie aurait été sans tache ; mais parce qu’il s’était placé lui-même sur le trône par la force, on a cru pouvoir le compter avec justice parmi les tyrans.

Cela fait sentir qu’il y a des vices qui n’excluent pas les grandes qualités et par conséquent de grandes qualités qui s’éloignent de la vertu. Je reconnais cette vérité avec douleur : il est triste que la bonté n’accompagne pas toujours la force, et que l’amour de la justice ne prévale pas nécessairement dans tous les hommes et dans tout le cours de leur vie, sur tout autre amour ; mais non seulement les grands hommes se laissent entraîner au vice, les vertueux même se démentent et sont inconstants dans le bien. Cependant ce qui est sain est sain, ce qui est fort est fort, etc. Les inégalités de la vertu, les faiblesses qui l’accompagnent, les vices qui flétrissent les plus belles vies, ces défauts inséparables de notre nature, mêlée si manifestement de grandeur et de petitesse, n’en détruisent pas les perfections[2]. Ceux qui veulent que les hommes soient tout bons ou tout méchants, absolument grands ou petits, ne connaissent pas la nature. Tout est mélangé dans les hommes tout y est limité ; et le vice même y a ses bornes.

    faible et redondant, et qu’en effet Vauvenargues a retranché sur l’exemplaire d’Aix. — G

  1. Catilina n’ignorait pas les périls d’une conjuration ; son courage lui persuada qu’il les surmonterait. L’opinion ne gouverne que les faibles ; mais l’espérance trompe lea plus grandes ames. » (Maximes.) — Voyez aussi le 16e dialogue (Catalina et Sénécion.)
  2. Rapprochez de la 18e Réflexion et du Discours sur le Caractère des différents siècles. — G.