leurs droits réciproques, et c’est là tout l’objet des lois.
Heureux qui les sait respecter comme elles méritent de l’être ! Plus heureux qui porte en son cœur celles d’un heureux naturel ! Il est bien facile de voir que je veux parler des vertus[1] ; leur noblesse et leur excellence sont l’objet de tout ce discours ; mais j’ai cru qu’il fallait d’abord établir une règle sûre pour les bien distinguer du vice. Je l’ai rencontrée sans effort dans le bien et le mal moral ; je l’aurais cherchée vainement dans une moins grande origine. Dire simplement que la vertu est vertu parce qu’elle est bonne en son fonds, et le vice tout au contraire, ce n’est pas les faire connaître. La force et la beauté sont aussi de grands biens ; la vieillesse et la maladie, des maux réels cependant on n’a jamais dit que ce fût là vice ou vertu. Le mot de vertu emporte l’idée de quelque chose d’estimable à l’égard de toute la terre le vice au contraire. Or il n’y a que le bien et que le mal moral qui portent ces grands caractères. La préférence de l’intérêt général au personnel est la seule définition qui soit digne de la vertu, et qui doive en fixer l’idée. Au contraire, le sacrifice mercenaire du bonheur public à l’intérêt propre est le sceau éternel du vice.
Ces divers caractères ainsi établis et suffisamment discernés, nous pouvons distinguer encore les vertus naturelles des acquises. J’appelle vertus naturelles les vertus de tempérament les autres sont les fruits pénibles de la réflexion. Nous mettons ordinairement ces dernières à plus haut prix, parce qu’elles nous coûtent davantage ; nous les estimons plus à nous, parce qu’elles sont les effets de notre fragile raison. Je dis : la raison elle-même n’est-elle pas un don de la nature, comme l’heureux tempérament ? L’heureux tempérament exclut-il la raison ? n’en est-il pas plutôt la base ? et si l’un peut nous égarer, l’autre est-elle plus infaillible ?
- ↑ Tres-bien. Distinguons cependant vertus et qualités heureuses : bienfaisance seule est vertu ; tempérance, sagesse, bonnes qualités ? tant mieux pour toi. — V.