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42. — Des passions en général.

Les passions s’opposent aux passions et peuvent servir de contrepoids ; mais la passion dominante ne peut se conduire que par son propre intérêt, vrai ou imaginaire, parce qu’elle règne despotiquement sur la volonté, sans laquelle rien ne se peut.

Je regarde humainement les choses et j’ajoute dans cet esprit : Toute nourriture n’est pas propre à tous les corps, tous objets ne sont pas suffisants pour toucher certaines âmes. Ceux qui croient les hommes souverains arbitres de leurs sentiments, ne connaissent pas la nature ; qu’on obtienne qu’un sourd s’amuse des sons enchanteurs de Murer ; qu’on demande à une joueuse qui fait une grosse partie, qu’elle ait la complaisance et la sagesse de s’y ennuyer : nul art ne le peut.

Les sages se trompent encore en offrant la paix aux passions ; les passions lui sont ennemies. Ils vantent la modération à ceux qui sont nés pour l’action et pour une vie agitée ; qu’importe à un homme malade la délicatesse d’un festin qui le dégoûte ?

Nous ne connaissons pas les défauts de notre âme[1], mais quand nous pourrions les connaître, nous voudrions rarement les vaincre.

Nos passions ne sont pas distinctes de nous-mêmes ; il y en a qui sont tout le fondement et toute la substance de notre âme. Le plus faible de tous les êtres voudrait-il périr pour se voir remplacé par le plus sage ?

Qu’on me donne un esprit plus juste, plus aimable, plus pénétrant, j’accepte

    où ne le porterait-on pas ? que n’y ferait-on pas entrer ? Une longue vie suffirait à peine à l’exécution d’un tel dessein. Détourne de ses avantage par de vains désirs, et borné à lier mes réflexions, je cours rapidement au but, et j’ignore l’art d’embellir. » — Il nous a paru intéressant de rétablir, au moins en note, un des rares endroits où Vauvenargues parle de lui. Les vains désirs auxquels il fait allusion feraient penser qu’il écrivait e morceau au moment où il allait se démettre de son grade de capitaine, et solliciter, sans beaucoup d’espérance, un emploi dans la diplomatie. — G.

  1. [Pas assez développé. — V.]