Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/95

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Avec des mouvements fantasques
Courbant leurs phalanges d’airain,
Les gantelets versent aux casques
Des rasades de vin du Rhin,

Ou découpent au fil des dagues
Des sangliers sur des plats d’or…
Cependant passent des bruits vagues
Par les orgues du corridor.

La débauche devient farouche,
On n’entendrait pas tonner Dieu ;
Car, lorsqu’un fantôme découche,
C’est le moins qu’il s’amuse un peu.

Et la fantastique assemblée
Se tracassant dans son harnois,
L’orgie a sa rumeur doublée
Du tintamarre des tournois.

Gobelets, hanaps, vidrecomes,
Vidés toujours, remplis en vain,
Entre les mâchoires des heaumes
Forment des cascades de vin ;

Les hauberts en bombent leurs ventres,
Et le flot monte aux gorgerins :
— Ils sont tous gris comme des chantres,
Les vaillants comtes suzerains !

L’un allonge dans la salade
Nonchalamment ses pédieux,
L’autre à son compagnon malade
Fait un sermon fastidieux ;