Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/120

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Elle tressaille à mon approche,
Et son regard, triste et charmant,
Sur le mien, d’un air de reproche,
Se fixe douloureusement.

Bien que la vie au loin m’emporte,
Ton nom dans mon cœur est marqué,
Fleur de pastel, gentille morte,
Ombre en habit de bal masqué !

La nature, de l’art jalouse,
Voulant dépasser Murillo,
À Paris créa l’Andalouse
Qui rit dans le second tableau.

Par un caprice poétique,
Notre climat brumeux para
D’une grâce au charme exotique
Cette autre Petra Camara :

De chaudes teintes orangées
Dorent sa joue au fard vermeil ;
Ses paupières de jais frangées
Filtrent des rayons de soleil ;

Entre ses lèvres d’écarlate
Scintille un éclair argenté,
Et sa beauté splendide éclate
Comme une grenade en été.

Au son des guitares d’Espagne
Ma voix longtemps la célébra.
Elle vint un jour, sans compagne,
Et ma chambre fut l’Alhambra.