Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Daphné, les hanches dans l’écorce,
Étend toujours ses doigts touffus,
Mais aux bras du dieu qui la force
Elle s’éteint, spectre confus ;

Apollon, chez Admète, garde
Un troupeau, des mites atteint ;
Les neuf Muses, troupe hagarde,
Pleurent sur un Pinde déteint ;

Et la Solitude en chemise
Trace au doigt le mot Abandon
Dans la poudre qu’elle tamise
Sur le marbre du guéridon.

Je retrouve au long des tentures,
Comme des hôtes endormis,
Pastels blafards, sombres peintures,
Jeunes beautés et vieux amis.

Ma main tremblante enlève un crêpe,
Et je vois mon défunt amour,
Jupons bouffants, taille de guêpe,
La Cidalise en Pompadour !

Un bouton de rose s’entr’ouvre
À son corset enrubanné,
Dont la dentelle à demi couvre
Un sein neigeux d’azur veiné.

Ses yeux ont de moites paillettes,
Comme aux feuilles que le froid mord ;
La pourpre monte à ses pommettes,
Éclat trompeur, fard de la mort !