Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/63

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Loin de moi, cauchemars, spectres des nuits ! Les roses,
Les femmes, les chansons, toutes les belles choses
        Et tous les beaux amours,
Voilà ce qu’il me faut. Salut, ô muse antique,
Muse au frais laurier vert, à la blanche tunique
        Plus jeune tous les jours !

Brune aux yeux de lotus, blonde à paupière noire,
O Grecque de Milet, sur l’escabeau d’ivoire
        Pose tes beaux pieds nus,
Que d’un nectar vermeil la coupe se couronne !
Je bois à ta beauté d’abord, blanche Théone,
        Puis aux dieux inconnus.

Ta gorge est plus lascive et plus souple que l’onde ;
Le lait n’est pas si pur et la pomme est moins ronde.
        Allons, un beau baiser,
Hâtons-nous, hâtons-nous. Notre vie, ô Théone,
Est un cheval ailé que le temps éperonne ;
        Hâtons-nous d’en user.

Chantons Io, Péan ! Mais quelle est cette femme
Si pâle sous son voile ? Ah ! c’est toi, vieille infâme,
        Je vois ton crâne ras ;
Je vois tes grands yeux creux, prostituée immonde,
Courtisane éternelle environnant le monde
        Avec tes maigres bras !