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Ah ! je veux m’en aller de mon île de Corse,
Par le bois dont la chèvre en passant mord l’écorce,
        Par le ravin profond,
Le long du sentier creux où chante la cigale,
Suivre nonchalamment en sa marche inégale
        Mon troupeau vagabond.

Le Sphinx est sans pitié pour quiconque se trompe,
Imprudent, tu veux donc qu’il t’égorge et te pompe
        Le pur sang de ton cœur ;
Le seul qui devina cette énigme funeste
Tua Laïus son père et commit un inceste :
        Triste prix du vainqueur !

IX

 
Me voilà revenu de ce voyage sombre,
Où l’on n’a pour flambeaux et pour astre dans l’ombre
        Que les yeux du hibou ;
Comme après tout un jour de labourage, un buffle
S’en retourne à pas lents, morne et baissant le muffle,
        Je vais ployant le cou.

Me voilà revenu du pays des fantômes ;
Mais je conserve encor loin des muets royaumes,
        Le teint pâle des morts.
Mon vêtement pareil au crêpe funéraire
Sur une urne jeté, de mon dos jusqu’à terre,
        Pend au long de mon corps.