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Et peut-être une larme à votre âme échappée
Sur leur cendre, de pluie et de neige trempée,
        Filtre insensiblement.
Qui les va réjouir dans leur triste demeure ;
Et leur cœur desséché, comprenant qu’on les pleure,
        Retrouve un battement.

Mais personne ne dit, voyant un mort de l’âme :
Paix et repos sur toi ! L’on refuse à la lame
        Ce qu’on donne au fourreau ;
L’on pleure le cadavre et l’on panse la plaie,
L’âme se brise et meurt sans que nul s’en effraie
        Et lui dresse un tombeau.

Et cependant il est d’horribles agonies
Qu’on ne saura jamais ; des douleurs infinies
        Que l’on n’aperçoit pas.
Il est plus d’une croix au calvaire de l’âme
Sans l’auréole d’or, et sans la blanche femme
        Échevelée au bas.

Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses ;
Des cadavres hideux dans des figures roses
        Dorment ensevelis.
On retrouve toujours les larmes sous le rire,
Les morts sous les vivants, et l’homme est à vrai dire
        Une Nécropolis.

Les tombeaux déterrés des vieilles cités mortes,
Les chambres et les puits de la Thèbe aux cent portes
        Ne sont pas si peuplés,
On n’y rencontre pas de plus affreux squelettes,
Un plus vaste fouillis d’ossements et de têtes
        Aux ruines mêlés.