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Sous les lentilles d’eau qui rampent,
Les canards sauvages y trempent
Leurs cous de saphir glacés d’or ;
La sarcelle à l’aube s’y baigne,
Et, quand le crépuscule règne,
S’y pose entre deux joncs, et dort.

La cigogne dont le bec claque,
L’œil tourné vers le ciel opaque,
Attend là l’instant du départ,
Et le héron aux jambes grêles,
Lustrant les plumes de ses ailes,
Y traîne sa vie à l’écart.

Ami, quand la brume d’automne
Étend son voile monotone
Sur le front obscurci des cieux,
Quand à la ville tout sommeille
Et qu’à peine le jour s’éveille
À l’horizon silencieux,

Toi dont le plomb à l’hirondelle
Toujours porte une mort fidèle,
Toi qui jamais à trente pas
N’as manqué le lièvre rapide,
Ami, toi, chasseur intrépide,
Qu’un long chemin n’arrête pas,

Avec Rasko, ton chien, qui saute
À ta suite dans l’herbe haute,
Avec ton bon fusil bronzé,
Ta blouse et tout ton équipage,
Viens t’y cacher près du rivage,
Derrière un tronc d’arbre brisé.