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pendait de sa seule nature, je veux dire (par la Déf. 7, partie 2) si cette faculté était libre.


Proposition 18

Si le corps humain a été affecté une fois par deux ou plusieurs corps, dès que l’âme viendra ensuite à imaginer un de ces corps, aussitôt elle se souviendra également des autres.

Démonstration : Ce qui fait que l’âme imagine un certain corps, c’est (par le Corollaire précéd.) que le corps humain est affecté et disposé par les traces d’un même corps extérieur comme il l’était quand quelques-unes de ses parties étaient ébranlées par le corps extérieur lui-même. Or, nous supposons que le corps humain a été disposé de telle sorte que l’âme imaginait à la fois deux corps. Lors donc que cette disposition se reproduira, l’âme imaginera encore deux corps à la fois ; et de cette façon, dès qu’elle imaginera l’un d’entre eux, elle se souviendra à l’instant de l’autre. C. Q. F. D.

Scholie : Ceci nous fait comprendre clairement en quoi consiste la mémoire. Elle n’est autre chose, en effet, qu’un certain enchaînement d’idées qui expriment la nature des choses qui existent hors du corps humain, lequel enchaînement se produit dans l’âme suivant l’ordre et l’enchaînement des affections du corps humain. Je dis, premièrement, que la mémoire est l’enchaînement de cette sorte d’idées seulement qui enveloppent la nature des choses qui existent hors du corps humain, et non des idées qui expliquent la nature de ces mêmes choses ; car il ne s’agit ici (par la Propos. 16, partie 2) que des idées des affections du corps humain, lesquelles enveloppent la nature de ce corps et des corps extérieurs. Je dis, en second lieu, que cet enchaînement se produit suivant l’ordre et l’enchaînement des affections du corps humain, pour le distinguer de cet autre enchaînement des idées qui se produit suivant l’ordre de l’entendement, d’une manière identique pour tous les hommes, et par lequel nous percevons les choses dans leurs causes premières. Et de là nous pouvons concevoir avec clarté