Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/457

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plus croire à vous-même, pour ne croire qu’à d’autres hommes qui sont damnés, eux aussi, par un grand nombre de leurs semblables ? Est-il possible que vous me taxiez d’arrogance et de superbe, parce que j’use de la raison, parce que je me confie à cette vraie parole de Dieu qui se fait entendre dans notre âme et que rien ne peut corrompre ni altérer ? Au nom du ciel, chassez loin de vous cette déplorable superstition, reconnaissez la raison que Dieu vous a donnée, et attachez-vous à elle, si vous ne voulez descendre au rang des brutes. Cessez d’appeler mystères d’absurdes erreurs, et de confondre, à la honte de votre raison, ce qui surpasse l’esprit de l’homme ou ne lui est pas connu encore avec des croyances dont l’absurdité se démontre, avec ces horribles secrets de l’Église romaine que vous jugez d’autant plus élevés au-dessus de l’intelligence qu’ils choquent plus ouvertement la droite raison.

Du reste, le principe fondamental du Traité théologico-politique, savoir, que l’Écriture ne doit être expliquée que par elle-même, ce principe, que vous proclamez faux si témérairement et sans en donner aucune raison, je ne l’ai pas posé comme une hypothèse ; je l’ai établi sur une démonstration concluante et régulière ; vous la trouverez au chapitre VII, où j’ai aussi réfuté les objections de mes adversaires, et à la fin du chapitre XV. Je m’assure, monsieur, que si vous vous rendez attentif à ces passages, et si vous prenez la peine de méditer l’histoire de l’Église (que je vois que vous ignorez complètement), quand vous reconnaîtrez combien de faussetés les historiens ecclésiastiques nous débitent, et par quelle suite d’événements et d’artifices le pontife de Rome a mis la main, six cents ans après Jésus-Christ, sur le gouvernement de l’Église, je m’assure, dis-je, que vous viendrez à résipiscence. C’est ce que je vous souhaite de tout mon cœur. Adieu.