Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/443

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la pensée ; car son objet, qui est le corps (par la Propos. 6, part. 2), a Dieu pour cause, en tant qu’il est considéré sous l’attribut de l’étendue, et non sous aucun autre attribut : d’où il suit (par l’Axiome 6, part. 1) que cette idée du corps enveloppe la connaissance de Dieu, en tant qu’il est considéré seulement sous l’attribut de l’étendue. De plus, cette idée, comme mode de la pensée, a également Dieu pour cause (par la même Propos.), en tant que chose pensante, et non sous aucun autre point de vue. Donc (par le même axiome) l’idée de cette idée enveloppe la connaissance de Dieu considéré sous l’attribut de la pensée, et non sous aucun autre point de vue. Il est donc évident que l’âme humaine, ou l’idée du corps humain, n’enveloppe ni n’exprime d’autres attributs de Dieu que la pensée et l’étendue. Or, de ces deux attributs et de leurs affections, il est impossible (par la Propos. 10, part. 1) de déduire aucun autre attribut. Je conclus donc que l’âme humaine ne peut connaître que les attributs de l’étendue et de la pensée ; ce que je me proposais de démontrer.

Vous demandez s’il faudra reconnaître autant de mondes différents qu’il y a d’attributs de Dieu. Je vous renvoie pour cela au Schol. de la Propos. 7 de l’Éthique, part 2. Du reste, cette proposition pourrait se démontrer plus aisément par l’absurde ; et quand il s’agit d’une proposition négative, je préfère ce genre de démonstration à la preuve directe, comme plus analogue à son objet. Mais puisque vous ne voulez que des démonstrations positives, je n’insiste pas et j’arrive à votre seconde objection.

Vous doutez qu’il soit possible, quand deux choses diffèrent entre elles tant sous le rapport de l’essence que sous celui de l’existence, que l’une d’elles produise l’autre, n’y ayant rien de commun entre des choses si différentes. Mais veuillez remarquer que tous les êtres particuliers, hormis ceux qui sont produits par leurs semblables, diffèrent de leurs causes tant par l’essence