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Lettre XXIX.

À MONSIEUR **** 1,

B. DE SPINOZA.



MONSIEUR,


Notre ami J. R. 2 m’a fait tenir de votre part deux choses qui m’ont été fort agréables : d’abord la lettre que vous avez bien voulu m’écrire, et puis le sentiment de votre ami sur ma doctrine et celle de Descartes touchant le libre arbitre. Bien qu’un grand nombre d’affaires m’ôtent présentement la liberté d’esprit convenable, sans parler de ma santé toujours chancelante, l’affection que vous me marquez et plus encore votre amour pour la vérité me font un devoir de vous satisfaire, autant que la médiocrité de mon esprit le permettra. J’avouerai d’abord que je n’ai pas pénétré les pensées par où prélude votre ami, avant d’invoquer l’expérience et de solliciter l’attention du lecteur. Il ajoute un instant après que deux personnes dont l’une nie ce que l’autre affirme peuvent avoir toutes deux raison. Cela est vrai à une condition, savoir, que ces deux personnes pensent à des choses différentes qu’elles appellent du même nom ; je me souviens d’avoir donné autrefois beaucoup d’exemples de malentendus semblables à l’ami J. R., à qui j’écris de vous les communiquer.

Mais je viens à cette définition de la liberté que votre ami m’attribue, sans que je sache d’où il l’a tirée. J’appelle libre, quant à moi, ce qui existe et agit par la seule nécessité de sa nature ; je dis qu’une chose est contrainte quand elle est déterminée par une autre chose à exister et à agir suivant une certaine loi. Par exemp