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que je mets à vous satisfaire ; mais il m’est véritablement impossible d’obtenir de mon esprit qu’il s’applique à répondre au libelle que vous m’avez communiqué ; et si je me décide aujourd’hui à vous en parler, c’est uniquement, croyez-le bien, parce que je vous l’ai promis. Aussi, pour condescendre autant que possible à cette répugnance de mon esprit, je serai très-court, me bornant à montrer en peu de mots que ce critique interprète mes sentiments dans le sens le plus faux. Est-ce par malice ou par ignorance, je ne sais trop ; mais je viens au fait.

Il dit premièrement qu’il importe peu de savoir de quelle race je suis, et quelle est ma manière de vivre. Je crois que s’il l’avait connue, il ne se serait pas si aisément mis dans l’esprit que j’enseigne l’athéisme. Car c’est la pratique ordinaire des athées de rechercher avec excès les honneurs et les richesses, choses que j’ai toujours méprisées, comme le savent parfaitement tous ceux qui me connaissent. Pour en venir peu à peu à ses fins, l’auteur du libelle ajoute que je ne suis point un esprit médiocre ; et cet éloge a pour but sans doute de persuader plus aisément que c’est par pure adresse et par astuce que j’ai soutenu dans les intentions les plus détestables la cause des théistes. Cela ne fait voir qu’une chose, c’est que ce critique n’a pas entendu mes raisonnements. Car où est l’esprit assez subtil, assez astucieux, assez dissimulé pour établir par tant de solides raisons une doctrine qu’il estimerait fausse ? Et quel écrivain passera donc pour sincère aux yeux d’un homme aussi défiant, s’il croit qu’on peut démontrer des chimères aussi solidement que des vérités ! Au surplus, rien de tout cela ne me surprend. C’est de cette façon que Descartes a été traité par Voët, et chaque jour on agit de même à l’égard des plus honnêtes gens.

On dit ensuite que, pour échapper à la superstition, je