Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/418

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’imperfection dans la privation de l’être. Je dis privation ; car bien que l’étendue, par exemple, contienne en soi la négation de la pensée, ce n’est point en elle une imperfection : une imperfection véritable, ce serait qu’elle fût privée d’étendue (et elle en serait privée en effet, si elle était déterminée), ou bien de durée, de situation, etc.

Vous m’accordez le sixième point sans restriction, et cependant vous dites que la difficulté reste tout entière ; car pourquoi, dites-vous, n’y aurait-il pas plusieurs êtres de nature différente qui tous existeraient par eux-mêmes, par exemple l’étendue et la pensée ? Mais cela prouve seulement que vous prenez le sixième principe dans un sens tout différent du mien. Je crois apercevoir en quel sens vous l’entendez ; mais pour ne pas perdre de temps, je vais expliquer mon propre sens. Je dis donc que si vous supposez qu’un être qui n’est parfait et indéterminé qu’en son genre existe par sa propre vertu, il faudra accorder aussi l’existence de l’être absolument parfait et indéterminé que j’appelle Dieu. Par exemple : si nous supposons que l’étendue ou la pensée (lesquelles peuvent être parfaites dans leur genre, c’est-à-dire dans un genre déterminé d’existence) existent par leur propre force intrinsèque, il faudra dire aussi que Dieu existe : Dieu, l’être absolument parfait, ou, si l’on veut, absolument indéterminé. Ici je voudrais qu’on remarquât la véritable force du mot imperfection, lequel signifie qu’il manque à un être quelque chose qui appartient cependant à sa nature. Par exemple, l’étendue ne peut être appelée imparfaite que relativement à la durée, à la situation, à la quantité, je veux dire, en tant qu’elle a une durée moindre que telle autre durée, qu’elle ne garde pas sa situation, qu’elle a une grandeur surpassée par une grandeur supérieure. Mais on ne pourra pas l’appeler imparfaite parce qu’elle ne pense pas, sa nature ne demandant rien de semblable et ne consistant que dans la seule extension, c’est-à-dire dans un genre déterminé d’existence. Or ce n’est que relativement à son genre d’existence