Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/407

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parfait ?) ; mais vous comprendriez tout au contraire que c’est cette dépendance elle-même qui donne aux choses leur perfection. Cela est si vrai que, pour concevoir parfaitement la dépendance des choses et la nécessité de leur action fondée sur les décrets de Dieu, ce n’est pas aux plantes et aux troncs d’arbres qu’il faut regarder, mais aux choses les plus intelligibles et aux plus parfaites d’entre les créatures. Vous vous convaincrez aisément de ce point, si vous voulez bien vous rappeler ce que je vous disais tout à l’heure dans ma seconde remarque sur les sentiments de Descartes, et je m’étonne que vous n’ayez pas fait plus d’attention à toutes ces choses.

Il m’est impossible de ne pas m’étonner aussi au plus haut degré d’un autre passage de votre lettre : Si Dieu, dites-vous, ne punit pas les fautes des hommes (par où vous entendez parler de Dieu comme d’un juge qui inflige au coupable une peine que sa faute elle-même n’eût point amenée avec soi ; car toute la question entre nous est là), quel motif m’empêchera de me précipiter dans toutes sortes de crimes ? Je réponds à cela que tout homme qui ne s’abstient du mal que par crainte de la peine (et je suis loin de vous mettre dans cette catégorie) n’agit assurément point par amour du bien et ne mérite nullement le nom d’homme vertueux. Pour moi, je détourne mes yeux d’une telle morale, et j’ai besoin de n’y point penser ; car elle répugne à mon caractère, et elle m’éloignerait de la connaissance et de l’amour de Dieu.

Croyez, Monsieur, que si vous aviez regardé de plus près la nature de l’homme et celle des décrets de Dieu, telle que je l’ai expliquée dans mon Appendice, et j’ajoute, si vous aviez su comment une conséquence se déduit d’un principe, vous n’auriez pas dit avec cette légèreté que mes sentiments rendent l’homme semblable à un tronc d’arbre, etc., etc. ; en un mot, vous n’auriez pas mis sur mon compte un si grand nombre d’absurdités qui n’existent que dans votre imagination.