Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/405

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à notre nature de contenir notre volonté dans les limites de l’entendement ; on a dit seulement que Dieu nous a donné un entendement déterminé et une volonté indéterminée, de telle façon toutefois que nous restions dans l’ignorance sur la fin pour laquelle il nous a créés ; on a ajouté que cette volonté, ainsi indéterminée ou parfaite, non-seulement nous rend plus parfaits, mais, comme je le dirai tout à l’heure, nous est extrêmement nécessaire.

Secondement, vous remarquerez que notre liberté ne consiste ni en une certaine contingence des actions, ni dans l’indifférence, mais dans l’affirmation ou la négation ; d’où il suit qu’à mesure que nous sommes moins indifférents à affirmer une chose nous sommes plus libres. Par exemple, si la nature de Dieu nous est connue, l’affirmation de l’existence de Dieu suit de notre nature avec tout autant de nécessité qu’il suit de la nature d’un triangle que la somme de ses angles égale deux droits 6 ; et cependant nous ne sommes jamais plus libres que quand nous affirmons une vérité de cette sorte. Or, cette nécessité n’étant autre chose que le décret de Dieu, comme je l’ai fait voir clairement dans mon Appendice, il est aisé de comprendre par là en quelque façon comment nous faisons une chose librement et en sommes véritablement la cause, bien que nous la fassions nécessairement et d’après le décret de Dieu. Cela se comprend, je le répète, toutes les fois qu’on affirme une chose dont on a une perception claire et distincte ; mais aussitôt qu’on affirme une chose qu’on ne conçoit pas clairement et distinctement, c’est-à-dire chaque fois qu’on souffre que la volonté se donne carrière hors des limites de l’entendement, on n’aperçoit plus alors la nécessité de l’affirmation ni les décrets de Dieu ; on ne voit que sa liberté, laquelle est toujours renfermée dans la volonté, et qui seule fait considérer nos actes comme bons