Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/398

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pour rendre la chose plus évidente encore et ôter tout scrupule, j’ai besoin de répondre aux objections suivantes : premièrement, pourquoi l’Écriture nous apprend-elle que Dieu désire ardemment la conversion des impies, et pourquoi défend-il à Adam de manger du fruit, tandis qu’en définitive Adam fait le contraire ; secondement, il semble résulter de mes paroles que les méchants, par l’orgueil, l’avarice, le désespoir, et les bons, par la générosité, la patience et l’amour, honorent également Dieu, parce qu’ils suivent également sa volonté.

Quant au premier point, je réponds que l’Écriture, destinée au vulgaire et faite pour lui, emprunte le langage des hommes ; or le vulgaire ne s’élève pas aux conceptions sublimes, et c’est ainsi que je m’explique que les préceptes que Dieu a révélés aux prophètes comme nécessaires au salut soient écrits en forme de lois. C’est encore ainsi que les prophètes ont composé des paraboles entières, qu’ils ont représenté Dieu comme un roi et un législateur, parce qu’il a révélé les moyens de salut et de perdition dont il était la cause, qu’ils ont appelé lois et rédigé sous forme de lois ces moyens qui ne sont que des causes, qu’ils ont présenté comme des punitions et des récompenses le salut et la perdition qui ne sont que des effets et des conséquences nécessaires, et qu’accommodant plutôt leurs paroles à cette parabole qu’à la vérité, ils ont fait un Dieu à l’image de l’homme, un Dieu irrité ou miséricordieux, désirant des objets à venir, jaloux, soupçonneux, trompé même par le diable, de sorte que les philosophes, et avec eux tous ceux qui sont au-dessus de la loi, c’est-à-dire qui suivent la vertu, non parce que c’est la loi, mais par amour et parce qu’elle est aimable, ne doivent pas être choqués de toutes ces paroles.

L’ordre donné à Adam consistait donc uniquement en ce que Dieu lui révéla que l’acte de manger ce fruit causait la mort, de même qu’il nous révèle, à nous, par la lumière naturelle de notre esprit, que le poison est mortel. Si vous demandez à quelle fin cette révélation,