Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/396

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subissant une condition imposée au langage humain, que nous péchons contre Dieu et que les hommes offensent Dieu.

En premier lieu, nous savons que chaque être, pris en lui-même sans aucun rapport au reste des choses, renferme une perfection qui n’a pour bornes dans chaque être que sa propre essence, et que l’essence même d’un être n’est pas autre chose. Je prends pour exemple le dessein ou la volonté déterminée d’Adam de manger du fruit défendu. Ce dessein ou cette volonté déterminée, considérée en elle-même, renferme précisément autant de perfection qu’elle exprime de réalité ; et on en peut conclure que nous ne pouvons concevoir d’imperfection dans les choses qu’en les comparant à d’autres choses qui ont plus de réalité : en conséquence, dans la détermination d’Adam, tant que nous la considérons en elle-même et que nous ne la comparons à rien qui soit d’une nature plus parfaite ou dans un état plus parfait, nous ne pouvons trouver aucune imperfection ; bien plus, nous pouvons la comparer à une infinité d’autres objets moins parfaits qu’elle, comme des pierres, des troncs d’arbres, etc. Voici encore ce qu’on ne peut contester : c’est que les mêmes choses qui dans les hommes paraissent détestables et dignes de toute notre aversion peuvent être vues dans les animaux avec admiration : ainsi les guerres des abeilles, la jalousie des colombes, etc. ; passions méprisables dans les hommes, et qui pourtant rendent les animaux plus parfaits à nos yeux. De tout cela il résulte clairement que les péchés, qui n’expriment rien si ce n’est une imperfection, ne peuvent consister en quelque chose qui exprime une réalité, comme la détermination d’Adam et l’acte qui en fut la suite.

En outre, nous ne pouvons pas dire que la volonté d’Adam répugne à la loi de Dieu et qu’elle est mauvaise parce qu’elle déplaît à Dieu ; car outre qu’il y aurait en Dieu une grande imperfection, si quelque chose arrivait contre sa volonté, s’il désirait une chose qu’il ne pût